Date de publication :

Secteur Infrastructures
Pays concerné
Egypte
Thématique Réglementation et politique économique
Image info sectorielle

Les modifications de la loi sur les partenariats publics-privés (PPP) adoptées en novembre 2021 par le gouvernement égyptien, permettent explicitement aux entités publiques de s'associer à des entreprises privées pour des projets dans les domaines des transports, de l'énergie, des communications et des soins de santé, et introduisent de nouveaux mécanismes pour simplifier le processus. Elles visent à combler les lacunes juridiques importantes dans le cadre législatif régissant actuellement les partenariats entre le secteur public et le secteur privé, et répond par ailleurs au besoin croissant de financements pour les grands projets d’infrastructure du pays. Ces derniers passent notamment par le développement des énergies renouvelables, l’Egypte s’étant donnée pour objectif de porter la part du renouvelable dans son mix énergétique à 42% d’ici 2030. Le recours aux financements privés pour réaliser de grands projets d’infrastructure est une pratique ancienne en Egypte. En effet, pendant près d’un siècle, ces partenariats avec le secteur privé, désignés par le terme de « concession », ont contribué au développement et à la modernisation de l’Egypte avec notamment la construction de la nouvelle ville d’Héliopolis, qui fait aujourd’hui partie intégrante de la ville du Caire. 

Pour se faire, le projet de loi concernant les PPP prévoit que les entreprises sont désormais autorisées à soumettre des propositions spontanées et à négocier directement avec les entités du secteur public pour l'obtention de contrats, contournant ainsi le processus traditionnel d'appel d'offres. Dans cette mesure, le recours aux PPP sera étendu à tous les domaines, de la conception et du financement à l'exploitation et à la maintenance, tandis qu'une exigence antérieure, connue pour ralentir le temps nécessaire au gouvernement pour conclure des contrats, a été supprimée.  

Les modifications apportées par cette loi apportent une solution adéquate à l’économie égyptienne puisque la mobilisation des investissements du secteur privé par le biais des PPP pourrait grandement aider l'Égypte à combler son énorme déficit de financement des infrastructures, estimé par la Banque mondiale à environ 230 milliards de dollars.  

Adoptée en 2010, la loi concernant ces partenariats visait à mettre en place un cadre réglementaire pour attirer davantage d'investissements privés dans les projets gouvernementaux. Cette loi égyptienne de 2010 définit le PPP comme un contrat par lequel une autorité administrative confie, pour une période comprise entre 5 et 30 ans à une entreprise privée, le financement, la construction, l'équipement et l’exploitation d’un projet d’infrastructure permettant d'assurer un service public. En outre, la loi stipule que la valeur du contrat doit être supérieure à 100 MEGP (5,5 MEUR) et que la part du gouvernement dans le PPP ne peut excéder 20%. Rédigée avec l’appui de la Banque mondiale, elle apparaît particulièrement favorable aux investisseurs privés.  

Un an après son adoption, le gouvernement a attribué à Orascom Construction et à la société espagnole Fomento de Construcciones y Contratas un contrat de 475 millions d'USD pour la construction de la station d'épuration du Nouveau Caire. Mais depuis sa mise en place, le modèle n'a pas encore connu un grand succès. En effet, peu de projets de grande envergure ont fait l'objet d'un appel d'offres dans le cadre de PPP ces dernières années. Les choses se sont toutefois accélérées ces derniers mois : Bombardier, Orascom et Arab Contractors se sont vu confier les rênes du monorail du Caire, un certain nombre de projets logistiques - dont les ports secs du 6th October et du 10th Ramadan - ont reçu une première approbation pour une durée de 10 ans, et le gouvernement s'est tourné vers le secteur privé pour son plan de dessalement de 2,5 milliards USD. En 2012, c’est le projet d’un hôpital universitaire à Alexandrie qui a été développé en PPP, puis en 2018, plusieurs écoles ont été financées sous ce schéma. 

En ce qui concerne le processus d’appel d’offre, la loi de 2010 prévoyait d’utiliser la pratique courante en Egypte du « défi suisse » se caractérisant par une proposition d’une offre non-sollicitée et la manifestation de son intérêt pour un projet. Avec la révision du texte de loi en novembre 2021, l’appel d’offre se construit différemment puisque les récents amendements à la loi, autorisent désormais, sous certaines conditions, les grés à gré. Le recours à cette pratique est toutefois très limité et devrait faire l’objet d’une approbation par le Premier Ministre. 

 

La gouvernance des projets PPP apparait toutefois encore fragile. Selon la loi de 2010, tout projet PPP doit désormais être coordonné par la PPP Unit. Tout projet PPP doit par ailleurs être validé par le Comité suprême pour les affaires relatives aux PPP. Le jeu d’acteurs se révèle encore plus complexe pour les projets de dessalement, sur lesquels est également impliqué le Fonds souverain. Il est à noter cependant que depuis 2021, le Royaume-Uni accompagne le gouvernement égyptien dans la réorganisation structurelle de la PPP unit. 

Dans cette perspective, les incertitudes réglementaires découlant du chevauchement des législations, le manque de transparence dans l'attribution des contrats, l'absence d'incitations pour les ministères à se tourner vers le secteur privé et le manque de clarté des mécanismes de résolution des litiges sont autant de freins au développement des PPP en Égypte. 

Dans une volonté de contourner le processus traditionnel d'appel d'offres et d'appliquer un processus plus adapté en fonction du besoin national et des conditions économiques et sociales ponctuelles, le projet de réforme PPP prévoit notamment la possibilité dans certains cas de recourir à un appel d'offres restreint si la nature du projet concerné permet de considérer que les compétences et les qualités requises ne peuvent être fournies que par des acteurs du secteur privé qui sont d'ores et déjà identifiés sans qu'un tel projet ne nécessite le passage par un appel d'offres élargi. Par ailleurs, il sera possible de négocier directement avec un seul soumissionnaire sans mise en concurrence par un appel d'offres s'il y a un intérêt économique ou un besoin social nécessitant une exécution accélérée du projet concerné.  

Le texte permet également au secteur privé de soumettre spontanément des propositions de projet dans la mesure où ledit projet n'était pas préalablement prévu par l'administration et sous réserve notamment que le projet concerné soit innovant et représente un intérêt économique ou social pour le pays, les études et le financement y afférents soient achevés et disponibles. 

Ce texte du projet de réforme PPP cherche surtout à réduire les différents délais dès le stade de l'émission d'un appel d'offres en éliminant un certain nombre d'obstacles administratifs susceptibles de naître au cours des étapes d'attribution des contrats aux personnes privées.  

 

En outre, les modifications du texte de loi original de 2010 prévoient l'application des principes de transparence, équilibre économique, égalité des chances, équité et libre concurrence aux contrats PPP. Elle permet également d’inclure plus facilement les nouveaux dossiers prioritaires. Pour aller jusqu'au bout de l'exercice, le projet de réforme PPP instaure un comité conjoint composé de spécialistes des ministères des finances et de la planification qui sera chargé de sélectionner un certain nombre de projets PPP chaque année et de les intégrer dans les plans annuels de développement socio-économique. 

 

Le projet de réforme PPP s'inscrit dans une volonté des pouvoirs publics de prendre toutes mesures pour inciter les acteurs du secteur privé à jouer un rôle dominant dans les projets concernés et qui seront sans doute une source importante d'emplois pour une population qui est en permanence en pleine croissance. 

 

Dans ce contexte, une des priorités du gouvernement égyptien est de moderniser les ports et de créer des hubs logistiques interconnectés. Le gouvernement a ainsi annoncé fin 2020 une nouvelle stratégie prévoyant la construction de 8 ports secs, centres logistiques et terminaux. Ces nouvelles infrastructures visent notamment à désengorger le port d’Alexandrie, principal hub de marchandises en Egypte 

 

Pour apprécier davantage la portée de cette réforme, il convient maintenant d'attendre dans un premier temp que le Projet de Réforme PPP soit soumis au président Abdel Fattah El Sissi pour être ratifié et acquérir force de loi. Il conviendra ensuite d’attendre la publication des décrets d'application qui seront annoncés par le pouvoir exécutif.  Mais il est à souligner qu’au total, depuis 1990, plus de 58 projets ont été financés et gérés par le secteur privé dans le domaine des infrastructures en Egypte, pour un investissement total de 15,5 Md USD. Ce projet devrait servir d’inspiration de nouveaux modèles économiques aux voisins africains de l’Egypte  

 

 

Sources :