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La loi sur « les solutions spéciales pour contrer l'agression contre l'Ukraine et protéger la sécurité nationale », entrée en vigueur à la mi-avril, permet aux pouvoirs publics polonais de sanctionner des personnes physiques, morales et entités, liées au régime russe, qui ont des activités financières et commerciales sur le territoire polonais. En plus des paquets de sanctions adoptés de manière collégiale au Conseil de l’Union européenne, le ministère polonais de l’Intérieur et de l’Administration a décidé, lundi 25 avril et sur les bases légales susmentionnés, d’émettre une liste de sanctions supplémentaire dans laquelle figurent des entités du secteur énergétique.
Parmi elles, IRL Polska, une société appartenant au géant russe Inter RAO détenteur du monopole sur l'import et l'export d'électricité en Russie. Outre le gel de tous les fonds et ressources économiques, la décision administrative du ministère ordonne « l'interdiction de mettre, directement ou indirectement, des fonds ou des ressources économiques à la disposition de la personne/entité figurant sur la liste ou à son profit ». Autrement dit, la poursuite d’activités économiques doit être arrêtée immédiatement.
Par conséquent, Polskie Siecie Elektroenergetyczne (le gestionnaire du réseau de transport d'électricité en Pologne) a informé qu’IRL Polska avait perdu l'accès au marché polonais d'équilibrage de l'électricité. Sans cet accès, elle ne peut effectuer de transaction de vente ou d'achat d'électricité en gros. Toutes les positions ouvertes sur la Bourse polonaise de l'électricité d’IRL Polska ont été fermées mercredi 27 avril. Dès la mi-mars, la cotation des actions de la société mère d'IRL Polska, Inter RAO Lietuva, qui était cotée à la Bourse de Varsovie depuis plusieurs années, a été suspendue. La Bourse de Vilnius a pris, un peu plus tôt, une mesure similaire.
La liste des sanctions comprend également OAO Novatek et Novatek Green Energy, qui vendent du gaz de pétrole liquéfié en bouteilles, du gaz naturel liquéfié en camions-citernes et fournissent du gaz naturel à plusieurs municipalités de Pologne. Sur les deux marchés de la vente, les sanctions imposées à Novatek ne devraient pas avoir d'impact significatif sur les clients finaux, puisqu'ils pourront trouver d’autres fournisseurs de gaz assez facilement.
En ce qui concerne l’acheminement du gaz aux municipalités, le problème s’avère être plus complexe. Les sanctions ont déjà affecté plusieurs centaines de ménages, d'entreprises et de clients institutionnels auxquels Novatek fournissait un total de plus d'un million de mètres cubes de gaz par an. Concrètement, ces municipalités constituent des sortes « d’îlots gaziers » où le réseau de distribution appartient exclusivement à Novatek. Il est alimenté en gaz livré sous forme de GNL et regazéifié par la même société. Et le fournisseur de secours dans ces endroits est… Novatek. La source d'approvisionnement en gaz, telle qu’elle existe aujourd'hui, ne peut pas être remplacée. La décision du ministère instaurant les sanctions n'en a apparemment pas tenu compte.
De nombreuses entreprises, institutions et résidents se sont retrouvés sans chauffage ni énergie nécessaire à leur fonctionnement, en conséquence directe de la décision du ministère. En effet, la décision d’introduire le « gel des fonds et des ressources économiques » de toutes les entreprises figurant sur la liste signifie en réalité que le gel couvre non seulement les comptes en banque mais aussi chaque machine ou véhicule appartenant à ces entreprises. De ce fait, les installations de regazéification et les réseaux de pompage du gaz vers les habitants doivent cesser de fonctionner. Le service d'urgence pour le gaz appartenant à Novatek n’est, en théorie, pas épargné par ces mesures.
Comme l'ont annoncé les autorités de Łeba, une des municipalités concernées, sur leur site web mercredi, la fourniture de gaz sur le territoire de la commune municipale par la société Novatek Green Energy a été stoppée ce mercredi 27 avril à 15h30. « Vous serez immédiatement informé du rétablissement de l'alimentation en gaz. Des discussions intensives sont en cours depuis hier pour trouver une solution au problème, au niveau de la voïvodie de Poméranie et du ministère de l'Intérieur et de l'Administration » peut-on lire sur le site.
Outre Inter RAO et Novatek, la liste de sanctions comprend, entre autres, trois sociétés russes qui font du commerce de charbon en Pologne. Pour rappel, Gazprom a complètement interrompu les livraisons de gaz à la Pologne dans le cadre du contrat Yamal à partir de 8 heures, heure polonaise, ce mercredi 27 avril. Le géant gazier russe a déclaré que c’est le refus de la société polonaise de pétrole et de gaz PGNiG de payer le gaz en roubles qui en est la cause. Depuis le début de la guerre en Ukraine, le gouvernement polonais assure avoir suffisamment diversifié ses approvisionnements en prévision d’un tel scénario devenu désormais réalité.