Les Autrichiens exploitent jusqu’à deux fois plus de cépages destinés à produire du vin blanc que du vin rouge. Ils consomment majoritairement du vin blanc (61,3 %, contre 37,6 % pour le vin rouge et seulement 1,1 % pour le rosé qui n’est pas encore entré dans les habitudes). Bien que le taux d’autosuffisance soit élevé et que le patriotisme alimentaire persiste aussi sur ce marché, l’Autriche continue d’importer des vins et notamment des vins français. La France se place en effet en tant que 2^ème fournisseur en valeur, tous vins confondus, ainsi que 3ème en volume, notamment grâce au Champagne et à ses grands crus de Bordeaux. A noter qu’en 2021, plus 90 % des vins tranquilles français importés étaient rouges.

1. Une production locale qui répond à la demande en volume des Autrichiens, mais pas à leur attente de variété

1.1. La république alpine est autosuffisante en produits viticoles 

En 2019/2020, la production locale permettait de répondre à 95 % de la demande nationale. Toutefois, les vins rouges étrangers restent attractifs puisque l’Autriche produit majoritairement du vin blanc. Les vignobles consacrés à la production de vin blanc représentaient en 2021, 31 625 ha, soit plus de deux fois plus  que ceux destinés à produire les vin rouge et rosé (14 373 ha).

         ​​​​​​​1.2. Une concentration des exploitations : moins d’exploitations, plus grandes

En 2021, selon Statistik Austria, la surface viticole totale exploitée était de 45 997 ha. La plus grande région viticole est la Basse-Autriche (Niederösterreich), suivi du Burgenland et de la Styrie (Steiermark). Si la région de Vienne est, elle aussi productrice de vin, cela reste faible à côté des régions citées ci-dessus. Par ailleurs, les surfaces viticoles ont diminué de près de 23 % en une quarantaine d’années.

Ce constat s’accompagne aussi de celui de la concentration de la production. Le nombre d’exploitations viticoles est ainsi passé de 45 380 en 1987 à 11 022 en 2021, selon Statistik Austria.

Parallèlement la taille des exploitations viticoles autrichiennes a en moyenne quadruplé. Toutefois, la taille des exploitations viticoles reste faible, en moyenne 4,07 ha en 2021.

​​​​​​​         1.3. Mais l’Autriche produit de bons millésimes valorisés à l’export

L’année 2021 fut une année record en termes d’exportations de vins, qui ont bondi lors des trois premiers trimestres de 5,5 % en volume, atteignant les 67,58 M de litres exportés, et de +18,1 % en valeur (216,5 M EUR). 2021 marque ainsi la première année, depuis longtemps, pour laquelle, la balance commerciale autrichienne sur le marché du vin (incluant les vins mousseux) n’est pas déficitaire.

L’an dernier, les vignobles autrichiens furent épargnés des gelées tardives, qui ont pourtant touché les trois premiers producteurs de vins d’Europe : l’Italie, la France et l’Espagne. Si la récolte 2021 rentre en termes de volume dans les moyennes habituelles, le moût de raisin est lui de qualité supérieure, ce qui promet pour le millésime 2021 de belles perspectives, notamment pour les domaines de Styrie, pour lesquels les vins devraient se révéler « fruités et acides à la fois » alors que ceux du Burgenland devraient « mêler fraicheur, force et élégance », analyse Wein & Co.

A titre indicatif, les trois premiers importateurs de vins autrichiens (en valeur) sont l’Allemagne, la Suisse et les Etats-Unis. En termes de volumes, il s’agit de l’Allemagne, des Pays-Bas et de la Suisse.

2. La consommation et la distribution de vin en Autriche

​​​​​​​        2.1. Le vin blanc domine largement la consommation

Dans la grande distribution, le vin blanc représente 61% des volumes vendus, le rouge 35% et le rosé près de 4%. Ainsi en 2019/2020, un ménage Autrichien dépensait en moyenne 7 EUR par mois pour le vin blanc, et 4,3 EUR pour le vin rouge/rosé.

Dans la restauration, « les vins blancs représentent actuellement 61,1 % du volume et 60,3 % de la valeur ; ils sont suivis des vins rouges représentant 37,0 % des volumes et 37,5 % de la valeur. La part de marché des vins rosés, tant en volume qu'en valeur, est d'à peine 2 % »[1].

​​​​​​​         2.2.  Influence de la pandémie sur la consommation de vins en Autriche

La pandémie a eu un effet notable sur la consommation de vin en Autriche. Ainsi, sur la période 2019/2020, la consommation atteignait 230 M de litres, attestant un recul de 5,5 % par rapport à 2018/2019. Cela représentait en 2020 environ 26 litres par personne, là où la bière par exemple en représente 107.

Néanmoins, concernant les vins effervescents, le contexte sanitaire semble avoir fait évoluer positivement leur consommation. La fermeture du secteur HoReCa a en effet impacté les ventes de vins effervescents, qui ont subi comme le reste du secteur une légère baisse dont témoigne le rapport Schlumberger 2021. Toutefois, les Autrichiens en consomment plus souvent, et n’attendent plus une occasion particulière pour en consommer. Cette tendance se note d’autant plus parmi les jeunes de 18 à 29 ans, puisqu’un quart d’entre eux confie consommer des bulles au moins une fois par mois.

         ​​​​​​​2.3.  Le contexte pandémique entraine un glissement des canaux de distribution

• Recul des ventes dans l’HoReCA

2021 n’a pas été une bonne année en termes de ventes de vin, en cause, la fermeture prolongée, pendant sept mois du secteur HoReCa, principal canal de distribution du vin en Autriche. Selon l’institut d’analyse de marché GfK, plus de la moitié de la consommation autrichienne de vin se faisait avant pandémie dans le secteur de la restauration.

• Hausse de la consommation à domicile

En parallèle, la tendance à la baisse depuis 2008 de la consommation de vin à domicile, s’est inversée en 2020. Le chiffre d’affaires des magasins de grande distribution pour les vins autrichiens a connu en moyenne une augmentation de 2,5 %. L’augmentation de la consommation dans ce segment ne permet néanmoins pas de compenser la fermeture du secteur HoReCa.

Toutefois, si la fermeture des lieux de consommation traditionnels a eu pour conséquence directe une augmentation de la consommation de vin à domicile en 2020, cette augmentation s’atténue légèrement en 2021. En 2020, la consommation de vin à domicile a ainsi augmenté de 16,75 % en volume et de 18,69 % en valeur. Aujourd’hui, bien que cette augmentation se soit atténuée, la consommation à domicile reste relativement haute au vu de ces dernières années.

Parallèlement, l’ÖWM souligne que la dépense moyenne des ménages pour la consommation de vin à domicile a augmenté de 3,5 %, là où la consommation en volume diminue de 4,7 %, entre 2020 et 2021. IHS Market note à ce titre que les Autrichiens ont eu tendance à compenser l’absence d’évènements par l’achat de produits plus « premium », dont le vin fait partie.

L’ÖWM, l’agence marketing du vin autrichien, souligne en outre que les ventes en région baissent alors que les ventes en ville augmentent.

• Le e-commerce se développe et les magasins spécialisés proposent de nouveaux concepts

L’achat de vin en ligne est une conséquence logique du contexte sanitaire. D’après GfK, le nombre d’acheteurs de vin en ligne aurait d’ailleurs bondi de presque 50 % entre octobre 2019 et 2020, atteignant les 124 000 e-acheteurs. Les trois sites pour lesquels les clients étaient les plus satisfaits étaient vinospirit.at, suivi de interspar.at/shop/weinwelt et weinshop24.at. D’autres sites comme Vicampo, Vinorama et Wein&Co, obtiennent les meilleures notes en termes de variété de l’offre, de transparence, de service client et de livraison.

Le rapport de l’ÖWM 2021 note que sur Internet, s’affirment aussi les tendances d’achats de « vins haut de gamme et d’icônes internationales » et également du vin sans alcool, qui va de pair avec la volonté des Autrichiens de suivre un mode de vie plus sain.

Enfin, « de nouveaux concepts de commerces spécialisés en vins, avec une composante « lifestyle », tel que les bars à vins ou gastronomiques progressent » note l’ÖWM.

        ​​​​​​​2.4. Patriotisme alimentaire, bio et mode de vie sain font évoluer le marché

• Le patriotisme alimentaire marque aussi le secteur vinicole

Avant la pandémie, les Autrichiens étaient déjà sensibles à l’enjeu de la régionalité et de la provenance des produits qu’ils consomment. Mais la pandémie a renforcé encore plus ce patriotisme alimentaire, auquel le secteur vinicole ne fait pas exception. D’ailleurs, afin d’aider les producteurs locaux, nombre d’évènements organisés entre autres par l’ÖWM ont eu lieu, comme « Österreich Wein lädt ein » ou « Österreich glasweise » depuis le début de la pandémie.

Les vins locaux se développent au détriment des vins étrangers, exception faite des vins d’entrée de gamme tant dans la restauration que dans la consommation à domicile. Ce marché reste l’un des seuls avec un taux d’importation croissant.

En ce qui concerne les réseaux de distribution professionnels, le rapport de l’ÖWM souligne que dans le commerce de gros destiné principalement à la restauration (Cash & Carry), en 2021, le vin tranquille autrichien représentait 90,1 % des parts de marché en volume et 84,0 % en valeur.

Toutefois, le patriotisme alimentaire est moins fort pour les vins effervescents que pour les vins tranquilles. On estime qu’un peu plus d’une bouteille de vin effervescent sur deux est autrichienne.

• Les vins bios et biodynamiques sont des vins porteurs

Les Autrichiens sont très friands de produits alimentaires bios et la surface bio exploitée du pays est proportionnellement la plus importante d’Europe (26,5 %, selon BioAustria). Si le caractère bio ou biodynamique d’un vin est un atout, le fait qu’un vin ne soit pas bio n’en fait pas non plus un critère d’exclusion lors du choix d’une bouteille. La surface de vignobles bios, (15,9 % des vignobles autrichiens en 2020) est d’ailleurs inférieure à la proportion totale de surface agricole bio. Toutefois, l’ÖWM souligne une forte augmentation des productions viticoles bio. Leur part était ainsi d’à peine 2 %, il y a 20 ans.

• L’émergence du vin sans alcool fait écho au développement de modes de vie sains

Le vin sans alcool reste un produit de niche qui pourrait susciter un intérêt croissant des Autrichiens dans les années à venir. Encore peu développés ces produits répondent en effet à une volonté croissante de produits et mode de vie sains. La baisse de la consommation de vin dans le pays depuis une vingtaine d’années peut s’expliquer par la même logique. A noter que si quelques magasins spécialisés se développent, les vins sans alcools sont principalement distribués en ligne.

                         3.Quelle place pour le vin français ?

La France est le 2^ème fournisseur de vin en valeur et troisième en volume (derrière respectivement l’Italie et l’Allemagne). Les vins français bénéficient d'une bonne image grâce à leur qualité « haut de gamme » et à la variété de l’offre. La France exporte en effet des vins d'une qualité supérieure à celle de ses concurrents.

         3.1. Types de vins

Concernant le vin blanc, la France est le quatrième fournisseur en volume de l’Autriche, derrière l’Italie, l’Allemagne et l’Espagne et le deuxième en valeur. Les importations de vins blancs français ne représentaient que 4,98 % des importations autrichiennes de vin blanc en 2021 en volume, soit 504 023 litres. A titre indicatif et sachant que la production viticole autrichienne présente une majorité de cépages de blancs, l’Autriche importait en 2021 un peu plus de 10 M de litres de vin blanc.

C’est du côté des vins rouges et rosés (bien que le rosé ne représente qu’une part très faible), que le potentiel français se démarque. Toujours deuxième en valeur derrière l’Italie, la France était également le deuxième fournisseur de vin rouge en volume en 2021. Les Bordeaux dominent majoritairement les exportations de vin rouge français vers la République Alpine, suivis, dans une moindre mesure des vins de Bourgogne et des vins de la vallée du Rhône.

Ce sont les appellations françaises qui sont très connues que l’on retrouve surtout sur le marché autrichien. Toutefois, les régions et AOC peu connues du grand public autrichien, peuvent trouver des débouchés chez les spécialistes en vins français qu’on peut trouver notamment à Vienne.

Par ailleurs, la France est le 2^ème fournisseur de vins effervescents de l’Autriche en valeur et le 3^ème en volume. L’Italie mène une fois de plus les importations autrichiennes grâce à son Prosecco. Mais, si en volume, les vins français ne représentent que 7,18 % des importations autrichiennes totales de vins effervescents (2021), ces vins sont fortement valorisés. Ainsi, le champagne AOP représente plus de 81 % des vins mousseux que l’Autriche importe de France. L’an dernier, les ventes de Champagne AOP français en Autriche ont d’ailleurs atteint 36,8 M EUR (+30,95 % 2020/2021) et 1,280 M de litres (+26,47 %).

Les exportations françaises de Champagne vers l’Autriche ont du fait de la pandémie accusé une baisse en 2020, mais sont reparties à la hausse en 2021, sans pour autant égaliser les quantités de 2019, qui s’est avérée être une année record. Le prix qui est un critère important pour les Autrichiens dans le choix des vins effervescents n’en est pas un pour le Champagne, qui ne se compare pas vraiment à ses concurrents à bulles. Les exportations françaises de Champagne vers l’Autriche, en 2021 s’inscrivent bel et bien dans la tendance à la hausse de ces dernières années, et marquent donc un retour au niveau d’avant pandémie.

3.2. Distribution

La concurrence est constituée principalement d’une part par le patriotisme alimentaire qui vaut aussi pour le vin autrichien. D’autre part, les vins italiens sont aussi très présents sur le marché.

Les produits français s’adressent principalement à un public de connaisseurs. Les réseaux spécialisés (cavistes et épiceries fines) s’intéressent souvent à l’histoire de la production et aux vins de vignerons. L’expertise et les conseils de ces professionnels passionnés guident les amateurs de bon vin, relativement connaisseurs dans leurs achats. Le Champagne est l’exception, avec les grandes maisons qui dominent, avec LVMH en tête qui détient environ la moitié du marché autrichien. Toutefois, l’intérêt pour les Champagnes de vignerons est bien là, notamment chez les clients des spécialistes en vins français.

En somme, le marché autrichien du vin représente un marché d’intérêt pour les viticulteurs français. Les quantités de vins tranquilles exportés, maintenant de nouveau équivalentes à celles d’avant pandémie, sont aussi le signe d’une bonne santé du secteur. Quant au taux de croissance de importations de champagne, en volume comme en valeur, ce dernier est toujours en hausse de près de 13 % entre 2018 et 2021.

La consommation de vin a été massivement impactée par la pandémie. Toutefois, les spécialistes en vins français peu dépendants de la restauration contrairement aux grands grossistes du marché, n’ont pas ou peu souffert de la crise. Les petits vignerons français peuvent donc profiter de cet intérêt du marché.  

Sources : Bureau Business France de Vienne, 05/2022 ; Ihsmarket, Global Trade Atlas, 03/2022 ; Weinmarkt in Österreich Statista, 2021, www.de.statista.com ; Schlumberger Sektreport 2021 presse.schlumberger.at ; Dokumentation Österreich Wein 2021, 15/03/2022 oesterreichwein.at ; Weinjahrgang 2021 in Österreich Dejnega Daniela, weinco.at ; Bilanz Weinmarkt Österreich 2020 ots.at ; Wine in Austria Euromonitor International June 2021 ; 16/03/2022 www.bio-austria.at