Date de publication :

Secteur Tech
Pays concerné
Suisse
Thématique Actualités du secteur
Image info sectorielle

La Suisse est depuis le 20e siècle un centre financier important. Gage de sécurité, confiance et stabilité, elle attire les capitaux étrangers et héberge un grand nombre de HNI (High Net-worth Individuals). Conscients de cet atout, les autorités Suisses ont mis en place une réglementation concise et pragmatique et une politique fiscale accommodante.

Dès 2013, ces atouts de la Suisse ont attiré les entreprises du secteur des cryptomonnaies qui ont commencé à s’installer à Zoug, une petite ville proche de Zurich. Après Bitcoin Suisse, Ethereum – la fondation qui gère l’une des cryptomonnaies les plus établies – s’incorpore dans cette ville. Progressivement, ce cluster a été renommé « Crypto Valley » en référence à la Silicon Valley aux Etats-Unis.

Dans les années 2010, l’émergence fulgurante des cryptoactifs a pris de court les régulateurs qui ont mis du temps à réagir. La Suisse a cependant été l’un des premiers pays à mettre en place un cadre clair de réglementation des cryptos à partir de 2018. Le « Blockchain Act », une loi plus complète sur l’encadrement de la technologie Blockchain, est entrée en vigueur en août 2021. A titre de comparaison, la réglementation MiCa de l’Union Européenne n’entrera en vigueur qu’en 2024.[1]

Dans cet article, nous allons brosser un portrait concis de l’écosystème et de la régulation du secteur des cryptomonnaies en Suisse.

Environnement réglementaire soutenant l’innovation

Les autorités suisses ont adapté la réglementation dans l’objectif de promouvoir la création des modèles d’affaires innovants. Deux actes[2] sont surtout notables à ce propos :

D’une part, l’exception dite du bac à sable (sandbox) en vigueur depuis août 2017 dans le cadre de laquelle des dépôts du public peuvent être acceptés sans autorisation de la FINMA jusqu’à concurrence de 1 M CHF, sachant que les obligations de la loi sur le blanchiment d’argent doivent être respectées et qu’une affiliation à un OAR (organisme d'autorégulation) est nécessaire.

D’autre part, intégration de dispositions sur la promotion de l’innovation dans la loi sur les banques et création d’une catégorie d’autorisation supplémentaire (autorisation Fintech) pour les établissements qui acceptent des dépôts du public jusqu’à concurrence de 100 M CHF, sans pratiquer d’opérations actives (sans investir ou rémunérer les dépôts). Les conditions de l’autorisation Fintech ont été approuvées par le Parlement le 15 juin 2018, concrétisées par le Conseil fédéral dans le cadre d’une révision partielle de l’ordonnance sur les banques.

Le gouvernement suisse a l’ambition de rester l’une des places financières les plus avancées du monde dans le domaine de la blockchain. Sa priorité est de garantir la sécurité juridique et de favoriser l’innovation. L’approche suisse se caractérise surtout par l’intégration des nouvelles technologies dans le cadre réglementaire existant. Voici les dispositions dans d’adaptation des règlementations financières suisses aux nouvelles technologies :

ICO guidelines - 2018

À la suite d’une forte augmentation de la popularité des « Initial Coin Offerings » (ICOs), une manière pour les entreprises de lever des fonds en émettant un jeton, la FINMA (l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers) a publié des directives concernant la régulation de ces ICO.[3] Ces directives comprennent les éléments suivants :

  • Il n’y a pas de règle générale concernant les ICO et chaque émission de jetons doit être considérée au cas par cas. Par exemple, on ne peut pas considérer que toute ICO s’apparente à une émission d’actions.
  • Les lois existantes régissant les marchés financiers s’appliquent aux ICO le plus souvent dans les domaines de la lutte contre le blanchiment d’argent et du négoce de valeurs mobilières. Le premier domaine vise à identifier les ayants droits économiques qui utilisent des services financiers dans l’objectif d’écarter les acteurs pratiquant du blanchiment d’argent ou participant au financement du terrorisme. Le deuxième domaine vise à garantir un fonctionnement efficient des marchés financiers par des informations transparentes.
  • Les jetons peuvent être classés en trois catégories :
    • Jetons de paiement, qui ne sont utilisés que comme moyen de paiement. Ces jetons sont assujettis aux lois contre le blanchiment mais ne sont pas considérés comme des valeurs mobilières.
    • Jetons d’utilité, qui donnent accès à une application ou un service. Ces jetons sont assujettis aux lois contre le blanchiment et sont considérés comme des valeurs mobilières uniquement s’ils ont aussi une fonction économique d’investissement.

Jetons d’investissement, qui représentent une participation dans un actif physique, une entreprise ou une source de revenus, ou donnent droit au versement de dividendes/intérêts. Ces derniers peuvent s’apparenter à des actions, des obligations ou des dérivées financières. Ces jetons sont assujettis aux lois contre le blanchiment et sont considérés comme des valeurs mobilières, ce qui signifie qu’elles sont soumises à certaines obligations (par exemple établir des prospectus)

« Blockchain act » 2021

Une loi fédérale permettant d’adapter le droit suisse à l’évolution de la technologie des registres électroniques décentralisés (blockchain).[4] Cette loi :

  • Donne une base légale au négoce de droits, créances et instruments financiers par l’intermédiaires de registres électroniques.
  • Renforce la sécurité juridique des investisseurs dans des situations telles que la faillite. En cas de faillite d’un intermédiaire financier, les cryptoactifs sont séparés du reste des actifs, ce qui permet aux investisseurs de récupérer leurs placements.
  • Elle créé une nouvelle catégorie de licence pour les systèmes de négociation basés sur la technologie des registres distribués dans le droit de l’infrastructure sur les marchés financiers.

Taxation des cryptomonnaies

La Suisse peut être considérée comme un paradis fiscal vis-à-vis de sa taxation des cryptomonnaies. En effet, l’impôt sur les plus-values générées par les investissement à long terme des particuliers est de 0 %.[5] Seuls les traders professionnels et les entreprises payent des impôts sur les plus-values générées par les cryptomonnaies. En France, le taux d’imposition est de 30%  pour les particuliers quelle que soit la durée d’investissement ou le nombre de transactions effectuées.

Environnement des cryptomonnaies

L'écosystème des cryptomonnaies en Suisse connaît une croissance rapide et s'épanouit grâce à une combinaison de facteurs.

  • La Crypto Valley, dont l’épicentre est le canton de Zoug, est devenue un centre d'innovation mondial pour les entreprises liées à la blockchain et aux cryptomonnaies. Ce hub rassemble plus de 1 000 entreprises du secteur. D’autres écosystèmes se mettent également en place, à l’instar des villes de Genève[6] et de Lugano[7] dans le canton du Tessin qui veut se positionner comme une alternative à la Crypto Valley de Zoug. La ville a conclu un partenariat avec l'émetteur de stablecoin Tether et s'engage à mettre en place un centre de compétences dans le domaine de la blockchain et des cryptoactifs. Un autre exemple est offert par le canton de Neuchâtel[8] qui a mis en place un système d’accompagnement pour les sociétés de la blockchain.
  • Les institutions économiques et monétaires Suisses s’intéressent à la blockchain. La Banque nationale suisse (BNS) et le SIX Group, opérateur de la bourse suisse, ont initié un projet baptisé « Helvetia ». Ce projet vise à développer une monnaie numérique de banque centrale (CBDC) pour permettre le règlement instantané de transactions entre les banques suisses.[9]
  • L'aspect institutionnel est un autre élément clé de l'écosystème des cryptomonnaies en Suisse. En effet, la Suisse est le premier pays dans le monde pour la gestion de patrimoine, selon un classement du cabinet de conseil Deloitte.[10] Le pays présente donc un vivier important d’investisseurs institutionnels qui pourraient être intéressés par des solutions basées sur la blockchain. Parmi les entreprises qui ciblent ces clients institutionnels, on retrouve notamment les cryptobanques Sygnum et Seba Bank (qui ont obtenu la licence bancaire suisse), ou encore les plateformes de gestion et conservation d’actifs Taurus et Safe.

Exemple de cas d’usage institutionnel : Dragonfly Blockchain

Afin de répondre à des besoins spécifiques de grandes entreprises, des blockchains privées telles que la Dragonfly Blockchain[11] ont été développées en Suisse. Les blockchains privées ne sont accessibles qu’aux utilisateurs autorisés, ce qui limite les risques de fraude. Dragonfly a tissé un partenariat avec Green, une entreprise de data centers localisés en Suisse, ce qui lui permet de garantir que les données restent en Suisse avec des standards de sécurité élevés.

L’écosystème autour de Dragonfly comprend également différentes entreprises de services informatiques : Phoenix Systems, Blockspirit, Phoenix Technologies et Hi, Cloud. Ce groupement d’entreprises suisses est capable de fournir des solutions clés en main pour des clients institutionnels.

Un cas d’utilisation de la Dragonfly Blockchain est la tokenisation objets de luxe.[12] Par exemple, chaque fois qu’un client achète une montre à une marque de luxe, il reçoit un NFT. S’il revend la montre, il transfère le NFT à l’acheteur, ce qui garantit à la fois l’authenticité et la propriété du produit.

Sources :

[1] https://cryptoast.fr/parlement-europeen-approuve-reglementations-mica-tfr/

Cryptoast – 12/10/2022

[2] https://www.finma.ch/fr/documentation/dossier/dossier-fintech/entwicklungen-im-bereich-fintech/

Finma – Extrait du rapport annuel 2018

[3] https://www.finma.ch/fr/news/2018/02/20180216-mm-ico-wegleitung/

Finma – 16/02/2018

[4] https://www.sif.admin.ch/sif/fr/home/finanzmarktpolitik/numerisation-secteur-financier/blockchain.html

Secrétariat d’état aux questions financières internationales – 24/01/2022

[5] https://www.allnews.ch/content/points-de-vue/la-suisse-paradis-fiscal-des-crypto-monnaies-en-europe

Allnews – 28/04/2022

[6] https://www.ge.ch/teaser/ingeneva/geneve-blockchain

Ge.ch –

[7] https://www.ictjournal.ch/news/2022-03-07/lugano-se-voit-comme-un-nouveau-hub-blockchain-en-suisse

ICT Journal – 07/03/2022

[8] https://www.letemps.ch/economie/neuchatel-devenu-un-pole-cryptos

Le temps – 24/06/2022

[9] https://www.reuters.com/technology/switzerland-tests-digital-currency-payments-with-top-investment-banks-2022-01-13/

Reuters – 13/01/2022

[10] https://www2.deloitte.com/ch/en/pages/financial-services/articles/wealth-management-centre-ranking.html

Deloitte - 2021

[11] https://www.kore-technologies.ch/dragonfly-blockchain-en.html

Kore technologies - 2023

[12] https://www.kore-technologies.ch/news-en/at-last-a-solution.html

Kore technologies – 28/10/2021