Date de publication :

Secteur Transition écologique
Pays concerné
Pologne
Thématique Actualités du secteur
La production dans le secteur de la construction et de l'assemblage, qui avait connu une croissance étonnamment rapide au cours des premiers mois de l'année, a fini par ralentir. Au mois de mars, en glissement annuel, elle a baissé de 1,5 %. Depuis, la situation semble s’être légèrement améliorée. Néanmoins, ce recul bien réel (qui épargne le génie civil), est particulièrement perceptible dans le secteur de la construction résidentielle. Le secteur de la construction et de l’assemblage espère pouvoir rebondir sur d’autres segments, principalement celui des grands projets énergétiques. Pour qu’une amélioration soit possible, tous les acteurs du milieu s’accordent sur le fait que l’arrivée des financements européens (ceux du plan de relance NextGenEU) en Pologne est la condition sine qua non pour une reprise durable.

Conformément aux prévisions plutôt maussades des économistes, le secteur de la construction en Pologne a connu cette année une accumulation de défis et de problèmes. Les pressions salariales, les prix élevés de l'énergie et des matériaux de construction, les effets collatéraux de la guerre en Ukraine, l'inflation, les taux d'intérêt ou encore l'incertitude et l'effondrement de la demande dans le secteur du logement sont tous des facteurs qui ont entraîné une baisse globale des commandes.

Comme l'a indiqué Statistics Poland, l’Office polonais des statistiques, après des mois de janvier et de février prometteurs (avec respectivement 2,4 % et 6,6 % d’augmentation de la production du secteur de la construction et de l’assemblage en glissement annuel), le mois de mars a déçu. Alors que les deux derniers chiffres ont clairement dépassé les attentes des économistes, la baisse enregistrée en mars n’augurait rien de bon. Corrigée des variations saisonnières, la production du secteur de la construction était en mars inférieure de 1,4 % à celle de l'année précédente, et même inférieure de 2 % à celle de février, alors qu'elle avait augmenté de 0,8 % en janvier. Comme l'ont noté les économistes de la banque Pekao, l'affaiblissement de l'activité dans le secteur de la construction en mars pourrait s'expliquer par… le succès extraordinaire du début de l'année. En effet, la production a même bondi de 7 % en janvier, en grande partie grâce à des conditions météorologiques plutôt clémentes.

De manière générale, les entreprises ont de plus en plus de mal à remplir leurs carnets de commandes et l'industrie attend avec impatience les financements de l'UE et du budget public pour stimuler la demande. La Pologne attend toujours l'ouverture du nouveau cadre financier pluriannuel de l'UE pour 2021-2027 et le déblocage du Plan national de relance et de résilience, ce qui a un impact majeur sur le moral des investisseurs. Le PNRR polonais, qui a deux ans de retard de versement par rapport aux autres États membres (pour cause de contentieux avec la Commission européenne, ndlr), s'élève à 35,3 Mds d’EUR, dont 23,8 Mds d’EUR de subventions et 11,5 Mds d’EUR de prêts. Conformément aux objectifs de l'UE, une part importante de ce budget sera allouée aux objectifs climatiques (42,7 %) et à la transformation numérique (21,3 %).

Cependant, la condition préalable à la réalisation de projets plus ambitieux est la stabilité, la prévisibilité, un financement assuré et des plans corrélés dans le temps. Pour l’instant, la réalisation d'investissements en projets d’infrastructures est favorisée par le spectre de la fin de la période de règlement du budget de l'UE du cadre financier pluriannuel 2014-2020 et donc du début du CPF 2021-2027. Toutefois, le ralentissement de la croissance de la production de travaux spécialisés laisse présager un ralentissement à venir dans l'investissement public. Face à la stagnation du secteur de la construction résidentielle, les entrepreneurs voient des opportunités de croissance dans le secteur de l'énergie et veulent se disputer une part des investissements de plusieurs milliards d’euros dans le nucléaire et les sources d'énergie renouvelables (telles que l'énergie photovoltaïque et les éoliennes offshore).

Car en effet, depuis des mois, la construction résidentielle est le talon d’Achille du secteur. Alors que les investissements dans les infrastructures affichent une activité élevée, la chute de la construction résidentielle se poursuit. Tandis que la production dans la catégorie « construction de génie civil » a augmenté de 9,5 % en glissement annuel en mars (après les spectaculaires 21,5 % d’augmentation en février), l'activité dans les travaux de construction spécialisés, qui comprennent la préparation des terrains pour la construction, a diminué de 2,7 % en glissement annuel, après des augmentations significatives au cours des mois précédents. Dans le même temps, la production vendue de bâtiments a diminué de 10,5 % en glissement annuel, après une baisse de 2,8 % en février. Il s'agit du cinquième mois consécutif de baisse de la production vendue bien que le ralentissement de la construction résidentielle soit manifeste depuis près d'un an. En mars 2022, la production des entreprises de construction de bâtiments a augmenté de 44,8 % en glissement annuel mais depuis lors, ce chiffre n'a cessé de diminuer. Cette situation résulte de la diminution de l'offre de prêts au logement en raison de la politique monétaire de la Banque centrale polonaise (hausse des taux d'intérêt et durcissement des critères d'octroi des banques) mais aussi de l'inflation élevée qui freine la consommation.

Selon les dernières données de Statistics Poland, l'indice général du climat des affaires se situait en mai 2023 à -11,4 (-12,5 le mois précédent). On peut donc parler d'une amélioration, même si le pessimisme reste de mise dans le secteur. Une amélioration du climat des affaires est signalée par 9,7 % des entreprises du secteur et une détérioration du climat des affaires par 21,1 % de celles-ci (respectivement 9,7 % et 22,3 % le mois précédent). Elles évaluent leur situation financière de manière moins négative qu'il y a un mois, même si les prévisions restent pessimistes. Elles sont d’ailleurs plutôt davantage satisfaites, par rapport au mois d’avril, de leurs carnets de commandes et de la production dans le secteur de la construction et de l'assemblage. Comme en avril, les entreprises continuent de signaler en mai une augmentation des retards de paiement pour les travaux de construction et d'assemblage achevés. Toujours au même niveau qu'en avril, les chefs d'entreprise de la construction anticipent une baisse de l'emploi. Les prix des travaux de construction et de montage, eux, devraient augmenter dans les mêmes proportions qu'il y a un mois.

Le pourcentage d'entrepreneurs qui estiment qu'il n'y a pas de barrières à leurs activités quotidiennes est désormais de 5,9 % (l’année précédente, c’était 5,6 %). Les entreprises, qui ont fait état de tels freins, se sont surtout plaintes des éléments suivants : coûts de l'emploi (70,2 % en avril 2023, 70,6 % au même mois de l'année précédente), coûts des matériaux (66,2 % en avril de cette année, 75,7 % l'année dernière), incertitude de la situation économique générale (61,5 % en avril de cette année, 68,1 % au même mois de l'année dernière). Sur une base annuelle, les difficultés qui préoccupent le plus les entrepreneurs de la construction résultent d'une demande insuffisante (augmentation de 18,8 % à 25,3 %). Par rapport à l’année dernière, l'importance des obstacles liés aux pénuries d'équipements et/ou de matériaux et de matières premières (pour des raisons non financières) a diminué aux yeux des entrepreneurs (de 17,9 % à 7,1 %) tout comme celle liée aux coûts des matériaux et à la législation peu claire, incohérente et instable (de 52,3 % à 43,6 %).

« Les entreprises commencent à voir leurs revenus diminuer parce que le marché de la construction est en baisse et qu'il n'y a pas assez de nouvelles commandes pour assurer un flux de trésorerie stable permettant de couvrir les coûts élevés. (...) Le manque de nouvelles commandes entraîne une concurrence féroce sur les prix entre les entreprises, ce qui favorise un comportement agressif au stade des appels d'offres. En bref, les entreprises de construction proposent souvent des prix dangereusement bas dans le seul but de remporter un contrat. De telles circonstances auront un impact négatif sur la rentabilité des entreprises, de 2023 à 2025 » a déclaré le Dr Damian Kaźmierczak, membre du conseil d'administration et économiste en chef de l'Association polonaise des employeurs du secteur de la construction. Dans le même temps, il ajoute à cette déclaration une note plus positive en remarquant que les prix des matériaux de construction se sont réellement stabilisés, dans un contexte d’inflation à deux chiffres dans le pays.

Le secteur de la construction a un impact sur le fonctionnement de l'ensemble de l'économie. Comme l'ont calculé les experts de la Banque centrale polonaise sur la base des données de Statistics Poland en 2021, la production totale de la construction et de l'assemblage représentait environ 5,2 % du PIB du pays. Cependant, le développement de la construction influence aussi directement et indirectement la croissance du commerce et de la production industrielle, par exemple dans les industries du métal, du meuble, de la chimie, du ciment, de la transformation du bois ou des machines de construction. Selon le cabinet de conseil Deloitte et l'Association des employeurs de fabricants de matériaux de construction, l'impact combiné du secteur des matériaux et des services de construction pourrait représenter jusqu'à 20,3 % du PIB et près de 2,6 millions d'emplois. Cela signifie qu'un cinquième du marché de l’emploi en Pologne est constitué de personnes directement ou indirectement liées à la construction.

Sources : Grzegorz SIEMIONCZYK, 24/04/2023, Rzeczpospolita

Szymon STARNAWSKI, 05/06/2023, Muratorplus

Adam BIALAS, 05/06/2023, Onet