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Secteur Santé
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La crise de COVID-19 a permis de mettre en lumière la nécessité d’investir dans la production pharmaceutique locale sur le continent africain. Les derniers mois ont révélé une dépendance aux importations de médicaments et fournitures médicales, déjà préexistante, puisque représentant 95% de la consommation locale. Il va être d’autant plus important de développer l’offre puisque la demande locale de médicaments ne cesse d’augmenter depuis plusieurs années.  

Dans un continent composé de 54 pays, comptant plus d’un milliard d'habitants, et de plus de trente millions de mètres carrés, la distribution et l’acheminement des médicaments se trouvent très souvent difficiles voire perturbés, laissant alors la porte ouverte aux détournements et falsifications. Par ailleurs, la fragmentation de la chaîne de distribution engendre une forte augmentation des coûts des produits pharmaceutiques  

L’Afrique représente un quart des malades dans le monde, mais ne produit que 3% de sa consommation de médicaments. Un écart qui n’a pas manqué de taper dans l’œil des fabricants asiatiques de génériques dont les exportations vers l’Afrique explosent et qui commencent à investir auprès des producteurs locaux. On compte 375 unités de productions sur tout le continent, principalement situées en Afrique du Sud, Maroc et Egypte qui fournissent 70% de leur demande locale et n’exportent qu’une partie infime de la production.  

Mais il ne faut pas s’y tromper, l’industrie pharmaceutique africaine se porte bien avec une multiplication par 5 entre 2000 et 2018 atteignant une valeur de 53,2 milliards de dollars. McKinsey prévoit une augmentation des dépenses de santé devant atteindre 100 milliards d’ici 2030. 

Face à ce besoin de développer la production locale, des pays comme le Nigeria et l’Afrique du Sud ont instauré des régimes fiscaux avantageux pour les producteurs locaux, permettant d’être compétitifs face à l’offre étrangère et aux produits contrefaits.  

La création de la zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) ainsi que le projet de l’agence africaine du médicament donnent l’espoir de voir une harmonisation des réglementations et une simplification des procédures avec des autorisations de mise sur le marché valables pour toute la zone. Celles-ci pourraient permettre de généraliser les commandes de produits pharmaceutiques et gérer la distribution pour faire des économies d’échelle et réduire le nombre d’intermédiaires, rendant les médicaments locaux plus abordables pour les populations africaines. D’autre part, les Etats pourraient investir pour stimuler la production locale ou jouer sur les conditions d’importations ou ajuster les pourcentages de commandes auprès d’unités de production locales. 

Dans cette optique, des investissements publics importants, pour le développement de la production locale, ont commencé à se mettre en place dans des pays comme l’Ethiopie, avec la création de parcs industriels accueillant des sociétés pharmaceutiques, ou le Sénégal, avec un plan d’investissement de 7 millions d’euros, pour venir en aide à l’industrie pharmaceutique locale pendant la pandémie.  

Les géants du marché pharmaceutique intensifient leurs investissements dans des chaînes de valeur locales, comme le groupe sud-africain Aspen. Les entreprises indiennes sont les premières à conclure des partenariats avec des acteurs locaux comme Sun Pharma-Ranbaxy au Nigeria, Cadila en Éthiopie ou Cipla Quality Chemical Industries en Ouganda. L’entreprise Africure, déjà implantée au Cameroun et en Côte d’Ivoire, a pour projet d’ouvrir d’autres unités de production au Burkina Faso, en Ethiopie et au Zimbabwe.  

La crise sanitaire a aussi permis de rendre compte d’opportunités pour l’Afrique du Sud en matière de production de vaccins, qui est à l’heure actuelle le marché pharmaceutique le plus avancé du continent. Des grands groupes locaux sont déjà présents comme Aspen et Adcock Ingram et d’autres comme Johnson & Johnson sont entrain de nouer des partenariats pour permettre un transfert de technologie et donc une production de vaccins contre la COVID-19 en local qui devrait commencer début avril. L’acteur biopharmaceutique The Biovac Institute, seul producteur de vaccins du continent, s’est également positionné pour produire un vaccin contre le Covid-19 en local. L’Afrique du Sud pourrait à cette occasion s’imposer comme un hub de production d’un vaccin contre la Covid-19 pour le continent.  

Il est aussi important de noter que 80% des matières premières naturelles d’Afrique n’ont pas encore été étudiées scientifiquement, ouvrant le champ des possibles pour la création de nouveaux médicaments dérivés de produits naturels.  

L’industrie pharmaceutique africaine n’en est donc qu’à ses débuts, mais affirme un fort potentiel de développement. La crise sanitaire a permis de mettre en lumière des plans de santé dans divers pays d’Afrique et de réévaluer l’accès aux médicaments comme point essentiel dans le budget des Etats. La demande en médicaments augmente grâce à une classe moyenne grandissante dans une partie des pays africains. Le développement de la production locale sera donc décisif dans la facilitation de l’accès de l’ensemble de la population du continent à des médicaments de qualité à des prix abordables.  

 

Sources : 

  • Charon & Soustras, Décembre 2020, Le Monde Diplomatique. 

  • Larabi Jaïdi, 17 février 2021, Jeune Afrique. 

  • Dorfman & Kirstein, 24 janvier 2021, Business Day.