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Secteur Mobilité et Logistique
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Amsterdam, célèbre pour son charme, sa propreté, sa sécurité et sa convivialité, se distingue également en tant que ville où le vélo règne en maître. Toutefois, malgré cette prédominance du vélo, la voiture conserve une place significative, tant au sens propre qu'au figuré. La capitale néerlandaise compte en effet une portion considérable de son espace public dédiée au stationnement, au détriment d'autres utilisations telles que des espaces verts, des terrasses, des aires de jeux ou des pistes cyclables. C'est dans cette optique que la municipalité a pris la décision de supprimer 10 000 places de stationnement d'ici 2025, représentant environ un quart du total. L'objectif est de réduire la dépendance à la voiture, d'encourager des modes de transport plus durables et d'améliorer la qualité de vie des citoyens. Comment cette initiative ambitieuse a-t-elle été mise en œuvre ? Quels sont les effets et les avantages de cette réduction des places de stationnement ?  

La suppression de 10 000 places de stationnement à Amsterdam ne constitue pas une mesure isolée, mais s'inscrit dans une politique globale visant à réduire la place de la voiture en ville au profit de modes de transport plus durables. Cette politique trouve ses racines dans les années 1970, une époque où la croissance du trafic automobile a engendré des problèmes de congestion, de pollution, de bruit et de sécurité. En réponse à ces nuisances, les habitants se sont mobilisés pour réclamer davantage d'espace dédiés aux piétons, cyclistes et transports en commun. La ville a ainsi mis en place des mesures limitant l'accès et le stationnement des voitures en centre-ville, développé le réseau de tramways et de bus, créé des zones piétonnes et des pistes cyclables, et encouragé l'usage du vélo. Ces actions ont contribué à réduire la part modale de la voiture de 59 % en 1970 à 22 % en 2018, tandis que celle du vélo augmentait de 25 % à 48 % sur la même période. 

Cependant, malgré ces efforts, Amsterdam reste confrontée à des défis majeurs en matière de mobilité et de qualité de vie. La croissance démographique rapide, les demandes accrues en logements, services et déplacements, ainsi que les impacts du changement climatique nécessitent une réponse adaptée. Pour relever ces défis, la ville a adopté en 2017 le plan stratégique "Amsterdam City Vision 2050", axé sur les piliers de la santé, de l'accessibilité, de la vitalité et de l'identité. Parmi les mesures prévues, la suppression de 10 000 places de stationnement d'ici 2025 s'inscrit dans l'objectif d'améliorer la santé des habitants en réduisant la pollution de l'air et le bruit, et en favorisant l'activité physique. Cette action vise également à accroître l'accessibilité de la ville en offrant plus d'espace et de choix pour des modes de transport alternatifs tels que le vélo, les transports en commun, la marche et le covoiturage. Enfin, elle contribue à renforcer la vitalité et l'identité de la ville en libérant l'espace public pour des usages sociaux, culturels et économiques, tout en préservant son patrimoine historique et architectural. 

La suppression des places de stationnement à Amsterdam s'est déroulée de manière progressive, concertée et accompagnée. La ville a opéré par quartier, tenant compte des spécificités et des besoins de chaque zone. La consultation des riverains, commerçants, associations et experts ont été primordiales pour recueillir avis et propositions. Des alternatives de mobilité ont été proposées pour encourager les habitants à délaisser leur voiture. L'espace public libéré par les places de stationnement a été réaménagé pour être plus attractif et fonctionnel. Le prix du stationnement a été ajusté pour dissuader et rendre le système plus équitable. 

Cette initiative s'est déployée par étapes, débutant par les zones centrales et denses où la demande de stationnement était la plus faible et l'offre de transports en commun la plus élevée. Le périmètre de suppression s'est ensuite étendu aux zones périphériques en fonction de l'évolution de la demande et de l'offre de stationnement et de transport. Entre 2019 et 2025, 10 000 places de stationnement doivent être supprimées, soit environ 1 500 par an. À ce jour, plus de 3 000 places ont déjà été éliminées, et 2 000 de plus sont prévues pour 2021. 

Les parties prenantes ont été largement sollicitées, impliquant des outils de participation et de dialogue tels que des réunions publiques, ateliers, sondages et enquêtes. Des comités consultatifs, composés de représentants des riverains, commerçants, associations et experts, ont été mis en place pour co-construire et suivre le projet. Une plateforme en ligne, "Amsterdam maakt ruimte" (Amsterdam fait de la place), a été créée, permettant aux habitants de consulter les plans de suppression des places de parking par quartier, de donner leur avis et de proposer des idées pour réaménager l'espace public. 

Cette suppression s‘est accompagnée de propositions d'alternatives de mobilité. Le réseau de transports en commun a été renforcé, avec une augmentation de la fréquence et de la capacité des tramways, des bus, ainsi que la création de nouvelles lignes de métro. Les infrastructures cyclables ont été améliorées avec la création de nouvelles pistes et l'élargissement des existantes, en plus de parkings à vélos sécurisés et gratuits. Les modes de transport partagés ont été encouragés, soutenant le covoiturage, l'autopartage et le vélopartage. La ville a également promu des initiatives réduisant les besoins de déplacement, comme le télétravail, le commerce de proximité et la mixité fonctionnelle des quartiers. 

L'espace public libéré a ainsi pu être réaménagé, le transformant en espaces verts, en terrasses, en zones de jeux et en pistes cyclables. L'initiative a également pris la forme d'espaces de convivialité, avec l'installation de bancs, de tables, de jeux et de fontaines. Des espaces culturels ont émergé, exposant des œuvres d'art et accueillant des événements culturels. En parallèle, des arrêts de bus, des stations de vélopartage, des bornes de recharge électrique et des zones de livraison ont été intégrés dans l'environnement urbain. 

La modulation du prix du stationnement a été un levier pour rendre cette suppression plus dissuasive et équitable. Le tarif du stationnement en voirie est passé de 5 EUR par heure en 2018 à 7,50 EUR par heure en 2021, établissant ainsi la tarification la plus élevée d'Europe. La réduction du nombre de permis de stationnement résidentiel, attribués par tirage au sort et au coût de 535 EUR par an, a également été mise en place. Des zones de stationnement à bas coût en périphérie de la ville, reliées au centre par des transports en commun gratuits, ont été instaurées. Un système de tarification sociale a été introduit, offrant des réductions ou des exemptions de paiement aux ménages à faible revenu, aux personnes handicapées et aux professionnels de la santé. 

La réduction du trafic automobile résultant de la suppression des places de stationnement a permis de diminuer les émissions de gaz à effet de serre, de particules fines et d'oxydes d'azote, contribuant à la lutte contre le réchauffement climatique et les problèmes respiratoires. La diminution des nuisances sonores, source de stress et de troubles du sommeil, ainsi que la réduction des risques d'accidents, principalement pour les usagers vulnérables tels que les piétons et les cyclistes, sont également des bénéfices considérables. 

L'augmentation de la part modale du vélo et des transports en commun, stimulée par la suppression des places de stationnement, a contribué à réduire la consommation d'énergie et les coûts de transport. Cette évolution a également favorisé l'activité physique, bénéfique pour la santé et le bien-être, ainsi que la mixité sociale, propice à la cohésion et à la solidarité. 

En libérant l'espace public pour des usages sociaux, culturels et économiques, la suppression des places de stationnement a amélioré l'attractivité de la ville. Les résultats d'une enquête menée par la municipalité suggèrent que cette initiative devrait créer 20 hectares d'espaces verts, 15 hectares d'espaces de convivialité, 10 hectares d'espaces culturels et 5 hectares d'espaces de mobilité. Ces espaces publics contribuent à embellir la ville, la rendant plus verte, colorée et vivante, tout en enrichissant la vie urbaine avec des opportunités de loisirs, de détente, d'éducation et de création. En outre, cette initiative renforce le potentiel touristique, commercial et résidentiel d'Amsterdam. 

 

Sources : 

  • Rapport du CREA sur les effets de la réduction du stationnement à Amsterdam 

  • Tinbergen Instittute « Citywide parking policy and traffic: Evidence from Amsterdam » 

  • Youtube Channel « Not Just Bike »