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Secteur Produits alimentaires
Thématique
Depuis plusieurs années, la consommation de viande ne cesse de diminuer, bouleversant les dynamiques des commerçants de détail, en particulier ceux opérant de manière indépendante. Face à cette situation, 2 approches distinctes émergent parmi ces commerçants : certains réduisent la taille de leurs comptoirs de service, tandis que d'autres misent sur la qualité et l'origine régionale pour se démarquer. Ce changement, motivé par une prise de conscience croissante des consommateurs sur les questions de santé, d'environnement et de bien-être animal, pousse les détaillants à s'adapter pour rester compétitifs.
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L'Évolution des ventes de viande : Un phénomène national

La tendance générale montre une stagnation, voire une diminution des ventes en volume de viande et de charcuterie, comme en témoignent de nombreux commerçants. Robert Schäfer, gestionnaire d'un magasin Rewe en Rhénanie, illustre cette évolution : « La consommation de viande diminue, nous le savons grâce à la baisse des quantités, mais cela est compensé par la hausse des prix, ce qui permet de stabiliser le chiffre d’affaires. » Ce constat est partagé par Matthias Füchtner, directeur de la coopérative Edeka Staufers, qui observe une augmentation de 3 à 4 % du chiffre d'affaires, malgré une stagnation des volumes.

Cependant, pour d'autres commerçants, la situation est plus complexe. Benjamin Stiegler, du Palatinat, note que si son chiffre d'affaires en viande et charcuterie reste stable par rapport à 2021, il constate une croissance dans d'autres catégories comme les produits laitiers, les plats cuisinés, et même les produits végétariens. Ces évolutions soulignent une redéfinition des habitudes alimentaires des consommateurs, qui tendent à consommer moins de viande, mais de meilleure qualité.

Les nouveaux consommateurs : moins de viande, mais de meilleure qualité

Les commerçants s'accordent à dire que les jeunes générations adoptent une approche plus distante vis-à-vis de la viande, comparée à celle des générations plus anciennes. La tendance actuelle privilégie la consommation de viande moins fréquente, mais de meilleure qualité. « Nous constatons que de nombreux clients ne mangent plus de la viande que deux fois par semaine, mais ils optent pour des produits de meilleure qualité », explique un distributeur Edeka.

L'Institut fédéral pour l'agriculture et l'alimentation révèle que la consommation de viande par habitant en Allemagne est passée de 61,6 à 51,6 kilos par an entre 2014 et 2023, soit une baisse significative de 15,5 % en une décennie. Cette diminution des volumes vendus se reflète également dans les parts de marché des commerçants, qui s'efforcent de compenser cette perte par des stratégies diversifiées, telles que l'accent sur les produits locaux et les spécialités régionales.

Les stratégies de survie : diversification, bio et régionalisme

Face à cette baisse inéluctable, les commerçants indépendants adoptent des stratégies variées pour maintenir leur compétitivité. Beaucoup se tournent vers des produits régionaux et biologiques, deux segments qui attirent de plus en plus de consommateurs soucieux de la qualité et de l'impact environnemental de leur alimentation. Alexander Stenger, un commerçant Edeka du nord de la Bavière, résume ainsi la situation : « Si l'on compare à il y a dix ans, nous vendons moins en quantité, mais les clients achètent de manière plus réfléchie. »

Certains commerçants voient dans la production maison une opportunité de renforcer leur position sur le marché. La préparation artisanale de produits tels que les brochettes de barbecue et les galettes de hamburger permet de conserver une valeur ajoutée au sein de l'entreprise, tout en offrant aux clients des produits de qualité supérieure, difficiles à comparer avec ceux des concurrents discount. Cette stratégie permet également de sortir de la guerre des prix, qui pèse lourdement sur les marges des détaillants.

Les défis du comptoir de service : entre besoin de personnel et rentabilité

L'un des principaux défis auxquels sont confrontés les commerçants est la gestion des comptoirs de service, souvent considérés comme un atout en termes de qualité et de différenciation. Cependant, la gestion de ces comptoirs devient de plus en plus difficile, notamment en raison de la pénurie de personnel qualifié. Horst Höltkemeyer, commerçant Edeka à Munich, déclare : « Les ventes de viande et de charcuterie ont baissé chez moi ces dernières années, mais je ne trouve pas cela problématique car mon rendement n'est pas sous pression. » Il souligne que, malgré cette baisse, d'autres catégories comme les fruits et légumes ou les produits végétariens connaissent une croissance rapide.

Le maintien d'un comptoir de service nécessite non seulement des ressources humaines, mais aussi une expertise spécifique que peu de commerçants peuvent encore se permettre. De nombreux détaillants, comme Horst Röthemeier de Westphalie, se voient contraints de réduire les horaires d'ouverture de leurs comptoirs ou de les fermer complètement. Cette décision, bien que regrettable pour certains, s'impose souvent comme une nécessité face à la pénurie de main-d'œuvre.

Le Libre-Service : Une potentielle solution de secours

Face à ces difficultés, le libre-service s'impose progressivement comme une solution de repli. Certains commerçants, comme Jörg Meyer du nord de l'Allemagne, ont déjà mis en place des comptoirs flexibles, qui peuvent être convertis en libre-service en fonction des besoins. Toutefois, cette transition n'est pas sans conséquences. « Si nous perdons la compétence au comptoir, nous devons faire attention à ne pas devenir un meilleur discounter », avertit Günter Hundrieser, un commerçant Edeka d'Essen. Le libre-service, bien qu'efficace sur le plan logistique, ne permet pas de maintenir le niveau de service et la relation client qu'offrent les comptoirs traditionnels.

Néanmoins, certains commerçants voient dans le libre-service une opportunité d'innovation. Hundrieser évoque des exemples venus des Pays-Bas, de France ou d'Italie, où des solutions de libre-service intelligentes et de haute qualité sont mises en place pour satisfaire les consommateurs exigeants. Cependant, il reconnaît que les fabricants allemands doivent encore progresser en matière d'emballage et de logistique pour proposer des produits à la hauteur des attentes des clients.

Le bien-être animal et les produits végétariens : Un marché en pleine croissance

L'intérêt pour les produits végétariens et végétaliens continue de croître, bien que cette tendance reste modérée chez certains commerçants. Horst Röthemeier souligne l'importance croissante des brochettes d'halloumi et des produits végétariens dans les rayons réfrigérés. Toutefois, pour d'autres, comme Günter Hundrieser, les tentatives d'introduction de produits végans au comptoir ont été un échec. « Veggie au comptoir ne fonctionne pas du tout », dit-il.

En revanche, le bien-être animal représente une véritable opportunité pour certains détaillants, notamment dans les régions rurales. Le programme Hofglück d'Edeka Südwest, par exemple, rencontre un succès grandissant auprès des consommateurs soucieux de la provenance et des conditions d'élevage des animaux. « Notre chiffre d'affaires avec le programme Hofglück augmente depuis des années », confirme Thomas Sander, un commerçant Edeka d'Ilmenau en Thuringe.

Conclusion : le secteur des produits carnés en pleine mutation

La consommation de viande est en déclin, mais les commerçants s'adaptent. Certains voient dans cette situation une opportunité de se différencier en misant sur des produits locaux, biologiques ou végétariens, tandis que d'autres doivent faire face à des défis logistiques et humains. Le libre-service, bien que pratique, ne peut remplacer la qualité et l'expérience client offertes par les comptoirs de service. Le secteur de la viande et de la charcuterie est en pleine mutation, et seuls les commerçants capables de s'adapter à ces nouvelles tendances pourront prospérer dans un marché en constante évolution.

 

Sources : Mathias Himberg, 22/10/2024, Lebensmittel Zeitung ; 21/10/2024, Süddeutsche Zeitung ; 30/09/2024, Thomas Klaus, Lebensmittel Praxis