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Après avoir tourné la page du charbon et réduit de moitié ses émissions de gaz à effet de serre depuis 1990, le pays mise désormais sur un mix énergétique dominé par l’éolien offshore, le solaire et le nucléaire et souhaite atteindre le Net Zero d’ici 2050. La réussite de cette transition dépendra de la capacité du pays à accélérer le déploiement des énergies vertes, à soutenir la décarbonation de son industrie et à renforcer la résilience de son économie face aux chocs extérieurs. 

Eolien : Un vent plus que favorable souffle toujours dans les îles du Royaume-Uni 

En 2024, les énergies renouvelables ont généré pour la première fois plus de la moitié de l’électricité britannique, atteignant 50,8 % du mix électrique national selon le Department for Energy Security and Net Zero. L’éolien, en particulier, constitue le pilier de cette transition, représentant à lui seul 29,5 % de la production totale d’électricité, soit 84,1 TWh. 

Le Royaume-Uni dispose de la plus grande capacité installée d’éolien en mer en Europe, avec environ 15 GW en 2024, et vise 50 GW d’ici 2030. L’éolien offshore a généré 17,2 % de l’électricité britannique en 2024 (48,9 TWh), grâce à des conditions de vent exceptionnelles, notamment en mer du Nord et en mer d’Irlande. Les côtes de l’Écosse, du nord-est de l’Angleterre (Newcastle, Hull, Norfolk, Kent) et du nord du Pays de Galles concentrent la majorité des grands parcs éoliens, opérationnels ou en développement. L’Écosse joue un rôle central avec le projet ScotWind, qui regroupe des parcs fixes et flottants pour près de 25 GW de capacité prévue à l’horizon 2030. 

L’éolien terrestre, bien que moins médiatisé, reste une composante essentielle du mix britannique. En 2024, il a produit 12,3 % de l’électricité nationale (35,1 TWh). Après une décennie de ralentissement due à des restrictions d’implantation et à une opinion publique mitigée, le gouvernement travailliste a récemment relancé la filière avec une stratégie dédiée et l’objectif de doubler la capacité installée pour atteindre jusqu’à 29 GW d’ici 2030. 

Le Royaume-Uni détient cinq des plus grands parcs éoliens offshore du monde et continue de battre des records de production, avec un pic de 22,7 GW atteint en novembre 2025, couvrant alors 43,6 % de la demande nationale. Au sein du territoire, l’Écosse concentre 39 % de la capacité éolienne totale du Royaume-Uni et 5% de la capacité européenne, confirmant son statut de hub incontournable pour l’éolien terrestre et marin. 

L’énergie solaire, savoir profiter du soleil du Nord 

Contrairement aux idées reçues, le Royaume-Uni mise de plus en plus sur l’énergie solaire pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, en complément de sa forte production éolienne. Le marché solaire britannique est désormais dominé par les installations commerciales (60 % du parc). 

La capacité solaire installée a atteint 19,5 GW en août 2025, contre 14 GW en 2023, avec un objectif gouvernemental ambitieux de 45 à 47 GW d’ici 2030. Le retour du solaire dans les enchères « Contract for Difference » a permis d’attribuer 3,3 GW supplémentaires lors du round AR6 en septembre 2024, portant à 5,5 GW la capacité à installer d’ici 2028. En 2024, la production solaire a atteint 14 TWh, total qui a été dépassé dès août 2025 grâce à une année exceptionnellement ensoleillée. Contrairement à l’éolien terrestre, le solaire bénéficie d’un large soutien public : seuls 6,5 % des Britanniques y sont opposés. 

L’hydrogène, une solution toute trouvée pour assurer un approvisionnement constant en énergie 

Dès 2020, le gouvernement britannique a inscrit l’hydrogène comme pilier du « Ten Point Plan for a Green Industrial Revolution », avec un objectif de 5 GW de capacité de production d’hydrogène bas carbone d’ici 2030. L’essor de l’éolien a conduit à des situations de surproduction électrique, obligeant parfois les opérateurs à réduire la production pour éviter la saturation du réseau. L’hydrogène apparaît alors comme une solution de stockage et de valorisation de ces excédents, permettant de transformer l’électricité renouvelable non consommée en vecteur énergétique flexible et décarboné. Selon le gouvernement, cette stratégie pourrait permettre d’économiser des milliards de livres sterling chaque année en limitant les pertes liées au « curtailment » de l’éolien. 

Parmi les projets les plus avancées, le projet Kintore Hydrogen en Écosse prévoit de produire de l’hydrogène vert à grande échelle à partir de l’électricité excédentaire des parcs éoliens écossais, avec une capacité initiale de 500 MW attendue d’ici 2030.  L’innovation se traduit également par des démonstrateurs industriels : en septembre 2025, Centrica et HiiROC, soutenus par le Net Zero Technology Centre, ont réalisé la première injection d’hydrogène dans une centrale à gaz de pointe à Brigg Energy Park (North Lincolnshire). Ce test, utilisant de l’hydrogène produit sur site par électrolyse plasma thermique, a prouvé qu’un mélange hydrogène-gaz naturel peut alimenter le réseau électrique, ouvrant la voie à la décarbonation progressive des centrales existantes sans lourds investissements. 

Décarbonation industrielle : le Royaume-Uni, laboratoire de l’industrie décarbonée 

Le Royaume-Uni s’impose aujourd’hui comme un véritable laboratoire européen de la décarbonation industrielle, grâce à une stratégie structurée autour de ses grands clusters industriels et à des investissements publics et privés massifs. Les régions du Humber, de Teesside, du North West (HyNet), de Grangemouth (Écosse), du South Wales et du Black Country concentrent près de la moitié des émissions industrielles du pays, mais aussi les principaux efforts de transformation. Ces clusters, historiquement concentrés autour des industries lourdes (acier, chimie, ciment, raffinage), sont devenus des hubs d’innovation où se déploient à grande échelle l’hydrogène bas carbone, la capture et le stockage du carbone (CCS). 

Le gouvernement britannique a lancé dès 2019 l’Industrial Decarbonisation Challenge, mobilisant plus de 470 millions de livres (public et privé) pour financer des démonstrateurs, des infrastructures mutualisées et des plans régionaux. L’objectif : disposer d’au moins quatre clusters décarbonés d’ici 2030, et du premier cluster industriel « net zéro » au monde à l’horizon 2040. Cette approche collaborative, qui associe industriels, énergéticiens (BP, Equinor, TotalEnergies, Shell, Eni), collectivités, universités et État, permet de mutualiser les infrastructures (pipelines CO₂, réseaux hydrogène, stockage offshore), de réduire les coûts et d’accélérer la diffusion des technologies. 

Parmi les projets phares : 

  • HyNet North West (Cheshire, Manchester, Merseyside) : production d’hydrogène bleu, réseau de captage et stockage du CO₂ en mer, pilotes industriels (verre, chimie, ciment). 
  • Net Zero Teesside : première centrale à gaz avec capture du carbone, infrastructure mutualisée pour l’industrie lourde, stockage dans l’aquifère Endurance. 
  • Humber Zero : plus grand émetteur industriel du pays, ambition de capturer près de 4 MtCO₂/an dès 2029, développement d’un réseau CO₂/hydrogène régional. 

 

Le Royaume-Uni démontre qu’une transition énergétique ambitieuse, fondée sur l’innovation, la coopération entre acteurs publics et privés et la valorisation de ses atouts naturels, peut transformer en profondeur un modèle industriel et énergétique. Si les défis restent nombreux – accélération des investissements, adaptation des infrastructures, acceptabilité sociale – le pays s’impose déjà comme une référence européenne en matière d’énergies vertes et de décarbonation. Les parties prenantes des projets de production d’énergie bas carbone et de décarbonation industrielle sont à la recherche des meilleures technologies et des expertises les plus pointues pour atteindre leurs objectifs ambitieux. Cette dynamique est porteuse d’opportunités pour les entreprises françaises.