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15 %  : c’est la part prise par le secteur industriel en Grèce et en Espagne. Deux pays où la maturité autour des enjeux de décarbonation progresse plus doucement qu’en France, tirée par les réglementations européennes et les plans de financements associés. « Pour les Grecs, l’objectif est d’opérer la transition avec les hydrocarbures via l’innovation, en profitant de la forte intensité capitalistique qui s’observe dans le pays », explique Lucie Morvan, conseillère Export Industrie et Cleantech pour Business France à Athènes. Tandis qu’en Espagne, l’enjeu se situe davantage autour de l’optimisation du mix renouvelable et des efforts d’efficacité énergétique pour conserver des prix compétitifs. « L’industrie est très demandeuse de solutions de décarbonation, tout comme le bâtiment résidentiel et tertiaire ou dans les transports », précise Laurence Sulpice, chef de pôle Industrie et Cleantech en péninsule ibérique pour Business France. 

Grèce et Espagne

Une expérience française à faire valoir 

Dans ces deux territoires du Sud de l’Europe, la France présente l’avantage d’un savoir-faire éprouvé qui peut servir de référence. « En Espagne, les solutions françaises sont bien accueillies pourvu que le prix reste aligné avec le marché », confirme Laurence Sulpice. En 2024, le spécialiste de la production d’énergie solaire décentralisée et des projets d’efficacité énergétique, GreenYellow, s’est ainsi associé au groupe espagnol de développement d’énergies renouvelables Enhol pour proposer aux industriels et clients tertiaires ibériques une plateforme complète de solutions de décarbonation. Un exemple qui témoigne de l’intérêt bien compris des acteurs français sur le marché espagnol et de la collaboration fructueuse avec des partenaires locaux. « Nous recommandons des logiques de partenariat pour pouvoir répondre de façon pertinente aux appels d’offres, notamment publics. Mais il est également possible de traiter en direct avec les donneurs d’ordre quand il s’agit de projets de décarbonation industrielle », précise Laurence Sulpice. 

 

En Grèce, la problématique est davantage celle d’une introduction tricolore sur un marché naissant. Si les grands développeurs comme TotalEnergies, Qair, Voltalia ou encore Valorem sont déjà bien implantés, les équipementiers ou fournisseurs de services spécialisés restent encore peu conscients des potentialités du marché, notamment en matière d’investissements. « Le décollage a commencé et l’accélération est imminente, comme en témoignent les gros projets industriels menés par les géants Motor Oil ou Titan Cement, insiste Lucie Morvan. L’enjeu est donc concurrentiel, il faut valoriser les expertises françaises et ne pas laisser la place à d’autres : dans le domaine de l’éolien offshore, certains gros industriels se sont déplacés récemment en Norvège pour identifier des solutions du marché… nous devons répondre à ce besoin exprimé en référençant des acteurs français ! ». 

Booster l’éolien en Grèce 

Dans cette logique, les équipes du bureau athénien se sont attelées à la création d’un événement d’accélération en octobre prochain : les French Offshore Wind Days, du 20 au 22 octobre, pour réunir l’écosystème offshore tricolore (ingénierie, équipements, expertises océanographiques) auprès de grands donneurs d’ordre locaux, notamment des développeurs ENR ou des industriels. « Nous profitons de la dynamique créée par la conférence Greek Offshore Renewable Energy, organisée le 21 octobre, pour mettre en avant les savoir-faire français en matière de relevés, énergies marines ou logistique », explique Lucie Morvan. Fin 2023, le gouvernement grec a en effet dévoilé un plan national pour le développement de l’éolien offshore, avec une capacité attendue de 12,4 GW et une dizaine de sites à équiper pour un total de 6 milliards d’euros d’ici 2030 et de 28 milliards d’ici 2050. Le premier projet commercial éolien offshore de Grèce a ainsi été lancé dans la mer de Thrace en 2024 sur la base de deux projets pilotes, depuis fusionnés, atteignant une capacité totale de 600 MW. 

 

« L’objectif européen de neutralité carbone à horizon 2050 a poussé la Grèce à sortir de sa dépendance au lignite et à investir massivement en faveur du verdissement du mix électrique, analyse Lucie Morvan. En quelques années, l’éolien terrestre est ainsi passé à 23,1% du mix et le solaire à 17,5%, tandis que les centrales thermiques visaient un arrêt de production à 2028. Mais les efforts de décarbonation sont également portés par les gros industriels qui transforment leur outil de production pour améliorer l’efficacité énergétique et développer l’hydrogène, la circularité ou encore la captation de carbone ». 

Efficacité énergétique : les industriels grecs à la manœuvre 

Les géants de la cimenterie, de la métallurgie, des raffineries ou des chantiers navals, quatre secteurs-clés en Grèce, présentent ainsi des plans ambitieux de décarbonation à horizon 2030, avec un soutien européen pour certains d’entre eux. Appuyé par le Fonds innovation de l’Union Européenne, le projet Ifestos du cimentier Titan vise ainsi à mobiliser des technologies de Carbon Capture en Béotie pour réduire de moitié les émissions de carbone du site. Tandis que le projet H2CEM de développement d’hydrogène vert de ce même industriel bénéficie, lui, d’un statut de Projet Important d’Intérêt Européen Commun (IPCEI).  

« Parmi les chantiers d’envergure, le groupe pétrolier Motor Oil peut également être cité car sa stratégie TARGET 2030 implique une accélération en matière d’hydrogène bas carbone : le groupe a notamment lancé le projet BlueMed de développement d’électrolyseurs pour lequel il recherche des prestataires de l’Union Européenne », signale Lucie Morvan. Enfin, côté métallurgie, METLEN s’est quant à lui engagé sur la voie de la circularité, avec des investissements à hauteur de 500 millions d’euros dans la réutilisation de métaux secondaires industriels.  

 

Des projets innovants qui reçoivent des soutiens publics importants, via le plan national pour l’Énergie et le Climat (PNEC, en grec ESEK) et le plan de relance grec « Grèce 2.0 ». « Ces grandes multinationales activent une multitude de leviers pour atteindre leurs objectifs et opèrent ainsi un effet d’entraînement sur un tissu industriel plus disparate, explique Lucie Morvan. En 2022, Hellenic Petroleum est devenue HELLENiQ ENERGY pour matérialiser sa « Vision 2025 » de réduire de 30% ses émissions de 2019 à 2030 : un vrai changement de paradigme dans le paysage industriel grec ». 

Une décarbonation menée tous azimuts qui explique l’intérêt sans limite de ces grands acteurs industriels : lors de l’événement d’octobre sur l’éolien offshore, le pétrochimiste HELLENiQ ENERGY devrait envoyer des représentants pour identifier d’éventuelles sources de revenus et sécuriser ses approvisionnements énergétiques – l’occasion pour les entreprises françaises de créer des liens ? 

En Espagne, répondre à la pression des coûts autant qu’à l’enjeu réglementaire 

Si la Grèce connaît une impulsion donnée par l’innovation de quelques grands groupes, l’Espagne est engagée, elle, dans un mouvement plus horizontal d’optimisation de la ressource énergétique. « Depuis une dizaine d’années, l’Espagne a fait le pari du renouvelable et des contrats de type power purchase agreement (PPA), ce qui explique que les ENR représentent aujourd’hui 66 % de la capacité installée, explique Laurence Sulpice. Le problème, c’est que le coût de la fourniture électrique pour les industriels, notamment électro-intensifs, reste bien au-dessus des prix moyens du marché européen ». En cause : les plus faibles compensations en CO2 prévues en Espagne, le prix des péages d’accès au réseau ainsi que l’absence de pilotabilité des énergies renouvelables qui renchérit le coût des alternatives en cas d’intermittences.  

D’où la volonté du gouvernement de moderniser le tissu industriel pour répondre à la fois aux injonctions de décarbonation et à cette pression des coûts : dans le cadre du plan de relance, il a ainsi lancé le PERTE (Projet stratégique pour la relance économique et la transformation), un programme d’investissements de 11,6 milliards d'euros appuyé sur des partenariats privé-public (la contribution publique s’élevant à 3,1 milliards d'euros). 

 

« Pour les industriels, l’efficacité énergétique devient alors un levier-clé, quelle que soit la forme retenue : récupération de chaleur, autoconsommation, utilisation de la biomasse, pompes à chaleur, smart metering ». Le plan national énergie-climat espagnol prévoit en effet une réduction de 55 % des émissions de CO2 et une baisse de 39,5 % de la consommation d’énergie primaire d’ici 2030. 

Une priorité qui s’est incarnée en 2023 dans l’instauration de certificats d’économie d’énergie (les Certificados de Ahorro Energético ou CAE) dont l’objectif est de faire financer des travaux d’efficacité énergétique par des fournisseurs d’énergie et de les répercuter au consommateur sous forme de certificats, sur le modèle de ce qui se fait en France avec les CEE. « L’Espagne s’est lancée sur le mécanisme des certificats plus tardivement que la France, ce qui explique qu’il y ait un appel d’air pour les solutions tricolores, signale Laurence Sulpice. Si l’industrie représente 54 % des demandes de CAE, le tertiaire est également dynamique avec 530 GWh d’économies déjà réalisées, et il reste beaucoup de potentiel sur le résidentiel et les transports ». 

Une décarbonation industrielle, tertiaire et résidentielle 

En discussion actuellement à la Banque mondiale, l’intégration de critères ESG dans le processus de sélection pourrait également favoriser les entreprises françaises au sein des organismes bailleurs. Au sein du bureau de Madrid, Laurence Sulpice souhaite attirer l’attention des fournisseurs français au-delà de l’enjeu industriel. Car, si les projets industriels sont nombreux et matures (comme en témoigne le chantier mené par Engie sur le site de production de bières de Mahou San Miguel, impliquant un transfert de chaleur fatale vers l’usine voisine de Verallia), des accélérations majeures peuvent se produire dans le bâtiment tertiaire, le bâtiment résidentiel et les transports. En octobre 2024, le pays s’est ainsi engagé à mettre en place une réglementation équivalente à celle du décret BACS en France, qui impose d’installer un système de gestion de l’énergie pour les bâtiments de plus de 290 kW de puissance. 

 

En novembre prochain, le salon européen Enlit s’arrêtera à Bilbao pour trois jours d’exposition et de networking sur les sujets d’efficacité énergétique, de smart grids, de carbon capture ou encore de stockage. L’occasion pour une vingtaine de sociétés françaises de démontrer leur savoir-faire auprès des 15 000 visiteurs industriels et tertiaires attendus. « Ce pavillon France sur ENLIT est un temps fort pour la prospection des cleantechs françaises en Espagne, confirme Laurence Sulpice. Mais ce n’est pas le seul : quelques jours plus tôt à Barcelone, le Smart City Expo World Congress réunira une soixantaine d’acteurs de la Ville Durable autour de décideurs business mais aussi institutionnels. Même si la décarbonation n’est qu’un pan du sujet, nous attendons beaucoup de networking à cette occasion ».

Biométhane, éolien flottant et hydrogène : nouveaux sourcings verts 

Au-delà de cette dynamique de modernisation énergétique sur tout le territoire, l’équipe Business France en Espagne veut également mettre en avant les nouvelles filières de sourcing durable qui peuvent présenter des opportunités à long terme pour les fournisseurs français. « La filière éolien offshore est par exemple en pleine structuration avec de premiers appels d’offres qui se profilent, note Laurence Sulpice. Vu la topographie des fonds marins sur les côtes espagnoles, il est probable que les technologies d’éolien flottant soient particulièrement demandées ». 

 

Autre filière qui reste encore sous-exploitée par rapport à son potentiel : la chaîne de valeur du biométhane et du biogaz, particulièrement prometteuse en raison des ressources agricoles et forestières du pays. « Après des années à sous-investir la filière et à pâtir d’une réglementation encore en cours de développement, le pays tente de rattraper son retard en la matière : il y a des discussions à lancer auprès de promoteurs de projets comme Acciona Energia, Ence Biogas, Grupo Arrate, ou encore Engie et Veolia qui ont déjà initié des projets », avertit Laurence Sulpice.  

Quant à la filière hydrogène, priorisée par les industriels de la chimie ou de la métallurgie, elle reste aujourd’hui confrontée à des enjeux de coûts et de faisabilité (sur l’hydrogène vert essentiellement) qui ralentissent son déploiement. Les opportunités franco-espagnoles restent cependant d’actualité, comme en témoigne le chantier BarMar de pipeline d’hydrogène entre Marseille et Barcelone. 

 

Ces nombreuses perspectives conduisent aujourd’hui le bureau espagnol à créer des événements sur-mesure pour chacune de ces filières : en 2026, une learning expedition « spéciale biogaz/biométhane » sera ainsi proposée aux exportateurs français, tandis que, s’agissant de l’éolien, un pavillon France devrait voir le jour sur le salon WindEurope, prévu en avril 2026 à Madrid.

Rendez-vous en Grèce et Espagne ! 

« Les entreprises françaises sont plutôt conscientes des opportunités de décarbonation qui existent en Espagne, conclut Laurence Sulpice. Mais elles peuvent encore progresser dans leur compréhension de l’écosystème en venant sur place et en se confrontant à la réalité des chaînes de valeur, qu’elles soient géographiques ou sectorielles ». En Grèce, le constat est le même : « Les industriels grecs sont habitués à travailler avec des compétences étrangères, et les Français ont bonne presse dans le pays : des rencontres sur place devraient achever de convaincre les fournisseurs français du dynamisme économique du pays en matière de décarbonation et de l’intérêt concurrentiel qu’ils peuvent y trouver », conclut Lucie Morvan.  

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