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Construction navale, transport maritime, ressources et énergies marines… la filière Mer française est aussi protéiforme que performante sur les marchés étrangers. En construction navale, 58% du chiffre d’affaires des entreprises hexagonales est ainsi réalisé à l’export, tandis que la filière des Énergies Marines Renouvelables (EMR) a connu un triplement de ses projets internationaux en 2023, avec une part export qui s’établit désormais à 43%. Comment prolonger cette dynamique ? Quels marchés viser en priorité ? Laure Brunel, référente sectorielle Filière mer chez Business France, fait le point sur les opportunités géographiques du secteur, en s’appuyant sur les enseignements du livre blanc « Filière Mer : où Exporter ? »
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Dans un contexte souvent incertain pour de nombreux secteurs, les activités de la filière Mer apparaissent, elles, plutôt solides et dynamiques. Pour quelles raisons ?
Ce sont des secteurs qui sont accélérés par les enjeux actuels liés à la durabilité et la transformation digitale. En transport maritime, l’objectif de réduction de 20% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 crée un appel d’air important. Sans compter l’appétence du secteur pour les technologies d’optimisation (capteurs, aide à la décision, etc), après une période COVID marquée par les blocages et les congestions. En construction navale et infrastructure portuaire, c’est également la digitalisation qui joue un rôle de catalyseur, même s’il ne faut pas négliger la part importante prise par les commandes du secteur Défense. Et pour les EMR, c’est naturellement la recherche de diversification des mix énergétiques qui conduit les pays à s’intéresser à l’éolien offshore et à d’autres niches de marché.
Justement, quels sont les segments porteurs identifiés au sein des EMR ?
L’éolien offshore, flottant comme posé, est bien évidemment au centre de l’attention avec des taux de croissance estimés autour de 20% annuellement sur la période 2024-2032. Mais la France peut s’enorgueillir également de filières de niche comme l’hydrolien (exploitation des courants marins) ou le monitoring océanique qui pourraient constituer de réels avantages comparatifs pour demain : sur l’hydrolien par exemple, les démonstrateurs domestiques (ferme-pilote FloWatt du Raz Blanchard, projet OceanQuest de Paimpol-Bréhat) laissent espérer un potentiel de production nationale de 3 à 5 gigawatts, ce qui pourrait ensuite ouvrir des perspectives intéressantes à l’étranger (l’Union Européenne a par exemple fixé un objectif de 40 GW de fourniture en hydrolien d’ici 2050).
Concrètement, quels sont les atouts français pour partir à la conquête des marchés internationaux ?
La filière navale française est ancienne, avec une ingénierie de pointe et un système de formation qui poussent à l’innovation et la R&D – d’où un leadership sur des niches océanographiques. Mais ce qui fait sa force est également sa capacité à adresser des problématiques diverses de manière intégrée, avec un large périmètre d’offres. Ainsi, nous évoquions l’éolien offshore : au-delà de la production et de l’exploitation d’éoliennes proprement dites, il s’agit également de faire appel à de la construction navale pour proposer des navires spécialisés – par exemple, pour l’acheminement des équipes sur les parcs éoliens (Crew Transfer Vessel) ou pour l’exploitation quotidienne des parcs (Service Offshore Vessel). En construction navale, il s’agit d’intégrer les enjeux de décarbonation et, donc, de performance énergétique : les industriels proposent ainsi des systèmes de propulsion hybride (alternance moteur thermique et électrique) et des solutions de récupération de chaleur. Et puis il y a le sujet des carburants alternatifs avec l’usage de l’hydrogène… les perspectives sont très larges !
Regardons maintenant les destinations à privilégier pour les acteurs du secteur : l’Asie apparaît comme le premier vivier régional…
Effectivement, avec l’Indonésie, l’Inde, Singapour (mais aussi le Vietnam et les Philippines), il y a beaucoup de marchés identifiés dans cette zone. Cela tient principalement à l’augmentation du trafic maritime dans la région, résultat du développement industriel et logistique de ces pays dans la lignée du concept Chine+1. Les projets de modernisation d’infrastructures portuaires se multiplient, tout comme le renouvellement des flottes (en Inde par exemple). Le principal enjeu pour l’offre française sera alors de faire face à la concurrence locale en matière de construction navale (chinoise, japonaise, sud-coréenne) qui reste très implantée et dynamique. Mais la stratégie gouvernementale de renforcement des partenariats dans la région pourrait servir d’accélérateur.
Le continent américain est-il toujours un pôle d’attraction ?
Les acteurs du secteur éolien offshore se sont longtemps dirigés vers les États-Unis pour profiter du développement de projets locaux (ex : Vineyard Wind). Mais la remise en question opérée par l’Administration Trump constitue une menace importante : impossible d’avoir de la visibilité quand on considère ce qu’il s’est passé avec le projet Empire Wind au large de New York (un projet qui a été suspendu par le Président puis ré-autorisé un mois après, alors que le fournisseur norvégien s’apprêtait à abandonner). Dans ce contexte, les destinations américaines que nous encourageons sont plutôt le Canada (pour les projets éoliens, mais il y a une forte concurrence domestique) et le Brésil. En effet, dans ce dernier pays, connu pour sa puissance maritime (export de matières premières) et ses enjeux de durabilité, les besoins identifiés couvrent tout le champ de l’offre française : construction navale, solutions de décarbonation (y compris sur les carburants alternatifs), parcs éoliens offshore, modernisation des infrastructures portuaires…
Vous fléchez également les opportunités sur la zone Afrique et MENA…
Effectivement la cartographie met en avant la Côte d’Ivoire, l’Égypte, les Émirats Arabes Unis ou encore l’Arabie Saoudite. Dans ces pays, les projets tournent essentiellement autour de la modernisation de l’infrastructure portuaire ou du transport maritime : avec la mer Rouge et le hub multimodal de Dubaï à proximité, les enjeux logistiques sont en effet critiques. En revanche, il n’y a pas encore d’accélération côté EMR ni de grands projets de construction navale mais il ne faut pas négliger cette zone car les évolutions sont très rapides.
Enfin, en Europe, quels sont les enjeux ?
En Europe du Nord (Royaume-Uni, Norvège), il s’agit principalement d’offrir des solutions innovantes pour l’exploitation des ressources marines (ex : technologies de Carbon Capture ou développement d’EMR). Tandis qu’en Méditerranée, les enjeux se situent surtout autour de la décarbonation et de la digitalisation du transport maritime.
Pour finir, quelles sont les échéances que doivent surveiller les acteurs de la filière ?
Déjà, nous venons d’assister à un événement important début juin avec la Conférence des Nations Unies sur l’Océan, organisée à Nice, qui a réaffirmé l’urgence de décarboner le transport maritime. En marge de cette conférence se tenait le Forum Blue Economy à Monaco qui a permis d’engager des investissements autour de la transition océanique (25 milliards déjà annoncés). Maintenant, si l’on se projette sur l’année qui s’ouvre, je signale que des missions de prospection seront organisées par Business France sur certains marchés cibles : Inde en octobre, Indonésie-Vietnam en novembre, Brésil et Arabie Saoudite en 2026 N’hésitez pas à surveiller le calendrier et vous inscrire !
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