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En juillet-août 2032, le monde entier aura les yeux rivés sur Brisbane et ses Jeux Olympiques et Paralympiques d’été. Une perspective qui se prépare dès à présent : en mars 2025, le gouvernement du Queensland, l’État-hôte, annonçait ainsi la construction d’un nouveau stade de 63 000 places et d’un centre aquatique de 17 000 places. Une opportunité qui résonne autant auprès des entreprises de la construction que des services « Hospitality » (restauration, équipements, transports, billetterie…), comme en témoigne le positionnement récent de grands acteurs comme Sodexo. Au total, ce sont sept nouveaux sites qui devraient être construits d’ici 2032, et dix qui devraient bénéficier d’une modernisation, pour un budget global « infrastructures » de 3,8 milliards de dollars australiens (2,15 milliards d’euros).

L’Australie au cœur de la planète Sport

Plus de trente événements internationaux en dix ans

« Ces projets autour des JOP de Brisbane 2032 illustrent le momentum que connaît l’industrie du sport en Australie, témoigne Stéphanie Rungs, conseillère export Art de Vivre pour Business France à Sydney. Si le sport a toujours occupé une place centrale dans la culture et le mode de vie des Australiens, la succession d’événements internationaux (plus de trente sur la décennie 2022-2032) et le développement rapide de nombreuses pratiques comme le yoga ou la randonnée viennent booster le paysage économique de la filière ».

Car, avec ses 12,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel et ses 5,1% de croissance envisagés sur les cinq prochaines années, le secteur sportif australien voit sa dynamique exploser depuis la sortie de la crise sanitaire. Un bond en avant expliqué par l’effet JO mais aussi par l’impact à venir des Coupes du Monde de Rugby masculine (2027) et féminine (2029), ou encore de la Coupe d’Asie féminine de football (2026). « Outre les grands projets d’infrastructures, ces rassemblements sportifs ont un effet catalyseur sur les services événementiels, médiatiques et technologiques associés », note Laura Savorgnani, également au bureau Business France de Sydney.

Mettre à profit la diversité des expertises françaises

En juin dernier, les équipes du bureau de Business France ont ainsi accompagné une délégation d’entreprises françaises spécialisées dans la sécurisation des grands événements pour rencontrer les donneurs d’ordre locaux (comités d’organisation, pouvoirs publics). De grands noms de la tech comme Atos, Dassault Systèmes ou IDEMIA étaient présents mais également des entreprises de matériel modulable (barrières, hangars…). L’occasion de démontrer les synergies possibles entre une équipe de France aguerrie aux enjeux événementiels (notamment après l’expérience des JOP 2024) et une filière australienne toujours très ouverte sur l’extérieur. « Même si les comités organisateurs privilégient les entreprises locales (à ce jour, 80 % des contrats ont été attribués à des entreprises australiennes), ils recherchent également des expertises pointues et une expérience internationale : les solutions françaises sont très prisées, notamment parce qu’elles mettent en avant les enjeux de durabilité, de qualité et d’innovation », souligne Stéphanie Rungs.

 En octobre 2025, Brisbane 2032 a ainsi ouvert sa plateforme d’appels à manifestation d’intérêt (EOI) sur laquelle elle compte publier progressivement ses besoins d’approvisionnement. « Pour les entreprises étrangères, il faut souscrire un compte premium qui permet ensuite de créer son profil d’entreprise et de répondre aux appels d’offres, signale Laura Savorgnani. Mais l’intérêt à long terme, c’est d’entrer dans le fichier de sourcing des organisateurs, ce qui pourra servir tout au long de la campagne d’organisation ».

Autre tactique à privilégier : la réponse en partenariat avec des entreprises australiennes, au sein d’un consortium. « C’est le scénario gagnant, confirme Laura Savorgnani, à condition bien sûr de rester compétitifs en matière de prix ».

Les French Sports Days, catalyseurs de la Sportech

Conséquence : le bureau de Business France cherche à multiplier les opérations de visibilité de la filière France auprès des interlocuteurs australiens. En septembre 2026, il organisera ainsi les French Sports Days dans plusieurs villes du pays (Melbourne, Sydney et bien sûr Brisbane) pour mettre en avant les entreprises de la sportech et de l’innovation sportive française. « Il y a un vrai positionnement français à défendre sur ces sujets et l’Australie est particulièrement réceptive aux solutions innovantes », note Stéphanie Rungs.

Qu’il s’agisse d’équipements wearables, d’analyse vidéo ou de technologies d’engagement des fans, l’Australie est en effet souvent citée en tête des pays pionniers sur ces sujets, comme en témoigne le succès de Catapult Sports, leader mondial des technologies de mesure de performance. La sportech australienne atteindrait même 10 à 12 % du revenu du secteur sportif et générerait un chiffre d’affaires de près de 3 milliards d’euros. « Il faut que la filière sportech française se mobilise sur la destination australienne car les attentes sont fortes et la valeur ajoutée peut être importante », souligne Stéphanie Rungs, qui mentionne la présence de l’association australienne de la sportech sur la précédente édition du congrès Vivatech.

Le Sport à l’agenda diplomatique franco-australien

Ces rencontres B2B s’inscrivent dans un contexte plus général de resserrement des liens entre la France et l’Australie, et dans une volonté de l’Australie d’appuyer son rayonnement international sur la diplomatie sportive (c’est la stratégie « Sports Diplomacy 2030 »). Lors de la visite du premier ministre australien Anthony Albanese en France en 2022, une feuille de route en cinq piliers avait ainsi été formalisée – dont le pilier éducatif qui place le sport parmi les secteurs-clés de coopération. Un protocole d’accord entre l’Australian Institute of Sport (institut de formation des athlètes australiens) et l’INSEP a ainsi été signé en 2023. Depuis, les initiatives se multiplient : « Il y a une volonté des grands acteurs français de se réunir et d’avancer ensemble en vue de ces grandes échéances australiennes. Il peut s’agir de grandes figures comme François-Xavier Bonnaillie, qui a récemment été nommé directeur commercial sur Brisbane 2032, ou d’entreprises leaders de la filière », mentionne Laura Savorgnani.

Un marché de consommateurs à fort pouvoir d’achat

Car les locomotives françaises ne manquent pas sur le sol australien : Decathlon, Gerflor, Salomon, Rossignol ou Le Coq Sportif… Au-delà des grands événements mondiaux, l’Australie propose également de belles success stories sur le terrain de la pratique sportive quotidienne. « Avec 13 millions d’adultes et 3 millions d’enfants qui pratiquent un sport à l’année, l’Australie est une des nations les plus en pointe sur la modernisation des espaces et la dotation aux clubs sportifs », appuie Stéphanie Rungs. Les articles fonctionnels trouvent également leur place dans les rayons de grands retailers comme Rebel Sport grâce à l’essor de pratiques individuelles : yoga, fitness, cyclisme, randonnée, ou bien sûr surf – comme l’a expérimenté le marseillais Beuchat dont les combinaisons de surf sont désormais distribuées chez Wetsuit Warehouse.

« Il y a de la place pour des articles de qualité, car les Australiens ont un pouvoir d’achat reconnu ; même si la destination peut sembler lointaine et contraignante à certains égards (logistiques essentiellement), il y a souvent davantage de marge et de valeur par habitant qu’au petit export ». Côté douanier, même s’il subsiste 5 % de frais d’import, les négociations vont bon train concernant un accord de libre échange entre l’Union Européenne et l’Australie.

 Reste que la motivation des exportateurs doit être prouvée par des efforts de déplacements, au moins dans les premières phases de rencontres et de formalisation des contrats. « À travers des missions comme les French Sports Days, ou par la participation aux nombreux événements sportifs organisés par les Australiens (ex : Australian Open de Tennis, Tour Down Under de cyclisme… ), il est plus facile d’appréhender l’écosystème sportif australien, de nouer des partenariats et de valider l’appétence du marché », conclut Stéphanie Rungs.

À surveiller : ESport et Paris en ligne

Toutefois, deux tendances à surveiller restent celles du esport et des paris sportifs. Encore considérées marginales face à l’écosystème sportif, ces deux activités présentent un potentiel de croissance sur le marché australien qui interpelle : des taux supérieurs à 10 % annuels pour le esport, et un chiffre de 4 % pour les paris en ligne sur les cinq prochaines années. Si le paysage des paris est déjà bien structuré avec des leaders comme Sportsbet et TAB, le esport est encore en phase de reconnaissance, avec des équipes encore sous-dotées par rapport à leur potentiel et un écosystème qui émerge à peine (on peut citer l’équipe Chief ESports Club ou le groupe média GAMURS). « L’industrie exploite encore insuffisamment son potentiel quand on considère la démocratisation forte du gaming en Australie et le pouvoir d’achat important des spectateurs, remarque Stéphanie Rungs. Pour les organisateurs et prestataires de services français dans ce domaine, ce vivier doit être étudié de près ».

Faire valoir l’expérience olympique

En septembre prochain, le bureau de Business France sera donc à pied d’œuvre pour faire valoir l’offre française dans le contexte de préparation aux JOP de Brisbane 2032. Le récent appel à candidatures pour la maîtrise d’œuvre du Victoria Park (enceinte principale des JOP) a finalement conduit à la sélection du cabinet d’architecture britannique ARUP. Preuve que la concurrence peut être rude sur ce terrain très scruté de l’événementiel olympique. Mais avec son expérience récente de Paris 2024 et son expérience à venir des Alpes 2030, nul doute que la filière française saura faire valoir son expertise et sa capacité d’innovation en Australie.