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Quelles opportunités envisager sur les marchés étrangers pour les entreprises françaises du secteur des Mobilités Douces ? À l’heure où les véhicules électriques et hybrides font face à une concurrence sévère de la Chine, la dynamique internationale suit une tendance ascendante dans le secteur ferroviaire et dans celui, très innovant, des ITS (Intelligent Transportation Systems). « Sur ces segments, nous observons des besoins constants en infrastructures et en équipements de modernisation », confie Laure Brunel, référente sectorielle Mobilités chez Business France. À l’occasion de la publication des livres blancs Où Exporter consacrés à ces trois filières (ferroviaires, automobile et ITS), elle revient sur les enseignements et actualités de ces études.

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Vous avez publié trois livres blancs sur le secteur des Mobilités Douces. Pourquoi entrer dans le détail pour chacun ?

Il y a en effet un vrai défi de synthèse sur ces trois secteurs car leurs évolutions sont singulières. Si le ferroviaire connaît un regain de perspectives à la suite des années COVID grâce aux nombreux projets de développement, l’automobile est, elle, confrontée à des incertitudes majeures sur le plan de la demande et de la concurrence. Quant aux ITS, il s’agit d’un secteur aux contours encore flous qui englobe des équipements et des logiciels qui collectent, traitent et analyse la donnée issue de sources très diverses : feux de circulation, caméras de surveillance, capteurs de véhicules, etc. Pour cette raison, il nous semblait important d’éclairer les marchés prioritaires pour chacun de ces sous-secteurs car, quelle que soit leur situation, il existe des opportunités et niches de marché qui peuvent légitimer une démarche ambitieuse à l’international.

Commençons par le ferroviaire : quels sont les marchés sur lesquels les acteurs de la filière peuvent envisager des relais de croissance ?

Sur le secteur ferroviaire, on observe une vraie dynamique à l’export, tirée notamment par de grands projets de modernisation et la reprise post-COVID du transport de fret. Dans la Zone Rhénane mais également en Europe du Sud ou au Royaume-Uni et en Irlande, nous avons des demandes explicites de la part des opérateurs ferroviaires pour des rendez-vous avec les acteurs français. Les grands groupes tricolores jouent un rôle d’entraînement pour les entreprises de la filière mais bon nombre d'entre elles peuvent également intervenir de manière indépendante lorsque les opérateurs ont des besoins précis (automatisation, interopérabilité, équipements pour lignes secondaires) : en Australie, par exemple, nous notons un réel intérêt pour le Made in France, à l’heure où les réseaux urbains de Sydney, Perth et Brisbane s’engagent sur une dynamique de transformation.

Vous évoquez l’Australie. Les projets ferroviaires se situent-ils tout autant dans les pays tiers qu’en Europe ?

Effectivement, le terrain est mondial dans ce domaine : Asie centrale, Amérique Latine, Afrique, Asie du Sud-Est... les appels d’offres émanent des quatre coins de la planète. Dans le livre blanc, nous avons choisi de mettre en avant la zone MENA (Egypte, Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unis) car les financements alloués aux projets sur place sont conséquents. Mais la concurrence n’est jamais bien loin, comme en témoigne, au Maroc, la récente allocation d’un marché public de fourniture de trains au sud-coréen Hyundai Rotem, devant le Français Alstom.

Ce boom ferroviaire bénéficie-t-il au secteur voisin des ITS ?

Il en bénéficie dans la mesure où la digitalisation et l’interopérabilité font partie des sujets portés par les deux filières, mais les ITS couvrent un champ multimodal bien plus large : ferroviaire, certes, mais aussi transport routier ou urbain. L’accélération très forte de cette filière tient plutôt à l’avènement des

politiques de transformation environnementale qui ont drainé d’importants investissements ces dernières années : de 47 milliards d’euros en 2024, le marché mondial devrait passer à 66 milliards en 2030, ce qui légitime un effort de structuration pour conquérir les marchés. Ce levier de l’investissement public justifie également le ciblage des opportunités export vers les pays les plus ambitieux sur la question environnementale : pour cette raison, la carte des marché prioritaires pour le secteur ITS met en valeur presqu’exclusivement les pays de l’OCDE.

Plus précisément, quelles sont les destinations que vous recommandez aux entreprises ITS ?

En Europe, on peut évoquer les pays nordiques qui avancent très vite sur l’électrification et les infrastructures de connectivité, mais aussi l’Allemagne et le Royaume-Uni qui engagent chacun des chantiers de transformation et d’innovation sur leurs réseaux. Hors de l’Europe, nous encourageons les entreprises de la filière à faire de la veille sur les appels à projet canadiens et japonais, des pays où se conjuguent à la fois une ambition gouvernementale forte et une maturité technologique favorable à l’accélération de projets structurants.

Penchons-nous maintenant sur le secteur automobile. Le contexte 2025 est-il aussi défavorable qu’on le dit pour les constructeurs européens ?

Le secteur traverse effectivement une crise de demande : la part de marché de l’électrique en France reste bloquée à 16 % et les ventes se concentrent sur la catégorie hybride ou hybride rechargeable. La principale difficulté pour les constructeurs reste la concurrence chinoise et, dans une moindre mesure, américaine, qui inonde les marchés mondiaux avec des prix bien plus compétitifs : en 2024, la Chine a ainsi vendu 11 millions de voitures électriques et hybrides dans le monde, tandis que les pays européens atteignaient difficilement 3,2 millions et les États-Unis 1,5 millions. Face à cela, les constructeurs européens tentent de réagir en proposant des offres innovantes (systèmes embarqués, production circulaire, design) mais la hausse des coûts de production pèse lourdement dans leur portefeuille. Le 4 mars dernier, la présidente de la Commission Européenne, Ursula Van der Leyen, a initié un plan d’action pour soutenir les entreprises de la filière, notamment dans leur accès à des matières premières et technologies stratégiques (batteries, logiciels).

Dans ce contexte, peut-on envisager des marchés d’export attractifs ?

Les conditions de marché changent très rapidement donc il faut constamment rester en veille. Ainsi, dans le livre blanc, nous avons pointé l’Amérique du Nord, l’Asie (Chine, Japon, Corée) et les pays européens, mais c’est surtout vers la Chine que nous orientons désormais les entreprises accompagnées, car c’est là qu’on observe le dynamisme le plus important en matière d’équipements. À l’inverse, les États-Unis ont connu un basculement économique ces derniers mois avec l’arrivée du président Trump et la taxation opérée sur l’import d’équipements : difficile, dans ces conditions, de se projeter sereinement sur ce marché. Nous invitons alors les entreprises à explorer de manière anticipée les pays d’Amérique Latine et d’Asie du Sud-Est car, si l’usage de l’électrique y est encore naissant, les filières industrielles s’y développent rapidement, avec de forts besoins en équipements de pointe et process industrialisés. Les réseaux diplomatiques sont là pour engager et soutenir le dialogue !

La France est-elle toujours un acteur reconnu des Mobilités Douces à l’international ?

Sur tous ces secteurs (automobile, transports urbains, ferroviaires, systèmes intelligents), la France dispose de fleurons comme Alstom, Keolis, Renault, Transdev, Peugeot ou encore Thalès qui jouent un rôle majeur pour la visibilité des filières à l’international et pour l’obtention de marchés. La qualité française et la capacité d’innovation ne sont plus à démontrer : sur ces enjeux, les donneurs d’ordre n’ont aucun mal à identifier et solliciter les entreprises françaises, y compris de petite taille. En revanche, il subsiste un enjeu de compétitivité qui s’illustre actuellement dans le domaine de l’automobile, et qui impose une réflexion plus globale sur le soutien à la production et sur la sécurisation des chaînes de valeur dans une perspective de réindustrialisation européenne.

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