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C’est d’ailleurs le groupe des flexitariens que les grands noms du secteur visent en développant de nouvelles gammes spécifiques aux alternatives aux produits laitiers ou carnés. Comme l’explique l’autre géant du retail suisse, Migros, « nos clients recherche de la diversité. On trouve dans les paniers d’achats de la viande, du fromage et un yaourt végan. Certainement parce qu’on ne souhaite pas tous les jours manger des produits d’origine animale ».
Les motivations quant à l’achat d’alternatives au lait ou à la viande évoluent aussi. Par exemple, si le principal argument de renoncement à la viande apparaît être le bien-être animal, les arguments en faveur de la santé gagnent du terrain.
La pandémie de Covid-19 est venue renforcer une tendance de fond, de nombreuses personnes en télétravail s’étant plus penchées sur les enjeux alimentaires selon ce même représentant. L’analyse de marché Coop révèle notamment qu’un tiers des personnes ayant acheté des alternatives végétales en 2020 le faisait pour la première fois. A la volonté de faire plus attention à sa santé en période de crise sanitaire se sont également ajoutés de nombreux et récents reportages sur les conditions d’abattage qui ont pu influencer les décisions d’achat des consommateurs suisses.
Mais, cette tendance n’est pourtant pas complètement nouvelle sur le marché helvète. Une étude de l’office fédéral de l’Agriculture (OFAG) souligne par exemple que les ventes de produits d’origine végétale de substitut à la viande ont connu une croissance significative depuis 2016, et ont même doublé en l’espace de 5 ans pour atteindre des dépenses totales égales à 107,9 M EUR (117 M CHF) en Suisse en 2020.
Du côté du marché du lait, des alternatives comme le lait de soja et plus récemment le lait d’avoine séduisent de plus en plus de consommateurs suisses. Les ventes ont bondi de 48,7 % entre 2017 et 2018. Si le lait de vache reste encore indétrônable (50 L par habitant et par an), sa réputation est désormais écornée, les détracteurs les plus virulents accusant les producteurs d’utiliser des antibiotiques, des pesticides, de mauvaises graisses et des allergènes.
De manière générale, on remarque que les consommateurs suisses ont plus de facilité à renoncer au lait qu’aux fromages ou à la viande. D’après Coop, le marché des alternatives au lait est ainsi deux fois plus important que les deux autres. De même, alors que la consommation de lait animal par habitant recule en Suisse, celle de fromages, yaourts et beurre semble se maintenir. Parmi les alternatives aux produits d’origine animale, les alternatives aux produits laitiers sont particulièrement demandées par les consommateurs végans, végétariens ou flexitariens. Statista estime en effet que 96 % ont déjà acheté une alternative végétale au lait, 76 % au yaourt et 65 % au beurre. Et, d’après le producteur de lait Emmi, le secteur des alternatives aux produits laitiers représente 92,98 M EUR (100 M CHF), dont la moitié est réalisé par les boissons végétales.
Si le soja a longtemps dominé le marché des produits végétaux, les Suisses se tournent de plus en plus vers des produits à base d’avoine. Ces derniers bénéficient notamment d’une image environnementale meilleure qui convainc. Le géant du secteur, Oatly, producteur suédois, a aussi rendu ces alternatives populaires partout en Suisse et les commercialise depuis peu dans la grande distribution (Coop et Migros). Oatly souhaite d’ailleurs construire une stratégie de communication innovante autour de ses faibles chiffres d’émission de CO2. La société s’est notamment alliée à Frosta, Mymuesli et Neslté pour fonder l’initiative « Together for Carbon Labelling » qui consiste à mettre en place une norme commune pour l’étiquetage CO2 des aliments.
En grande partie importée, l’offre d’alternatives au lait se structure progressivement autour de grands noms suisses et de jeunes pousses. Le groupe laitier Emmi a ainsi fait savoir vouloir lancer au sein de sa gamme beleaf deux nouvelles boissons à l’avoine produite à base de matières premières suisses. Nestlé s’engage lui sur la voie d’une nouvelle boisson à base de pois français. De jeunes acteurs émergent aussi sur ce nouveau marché à l’image de la start-up New Roots. Fondée en 2016, l’entreprise propose des fromages végétaux affinés selon des techniques empruntées à la fromagerie traditionnelle.
En termes de distribution, on retrouve les alternatives aux produits laitiers aussi bien dans des magasins spécialisés que chez les principaux détaillants suisses. A titre indicatif, mi-2020, Coop comptait plus de 50 alternatives végétales aux produits laitiers dans sa gamme.
Du côté des viandes, le nombre d’achats de produits d’origine végétale a explosé ces derniers mois comme le montre le rapport sur les substituts de viande de l’office fédéral de l’Agriculture (OFAG). Si l’étude met en lumière une forte progression des ventes de viandes fraiches et de produits de charcuterie par rapport aux années précédentes, qui s’explique notamment par la fermeture de l’Horeca, elle observe également une hausse des ventes de substituts aux viandes largement supérieure aux années précédentes : +78 % de ventes par rapport à l’année 2019. Ce chiffre est en outre resté élevé même après la réouverture des restaurants à l’été 2020.
Les burgers à base de plantes sont particulièrement en vogue. Leurs ventes ont en effet fortement augmenté dans de nombreux magasins ces dernières années (épiceries locales, super- ou hypermarchés). Le chiffre d’affaires (CA) du segment a d’ailleurs cru de 228,4 % en 2020 selon l’institut Statista. Au total, l’an dernier, un « Hacktätschli » (burger végétal) sur six burgers atterrissait dans les paniers des clients en épicerie ou en supermarché. Ces nouveaux burgers représentent même 21 % des ventes de burgers par Coop en 2020. Quoique la recette soit fondamentalement différente, le goût et la méthode de cuisson restent inchangés par rapport aux viandes de bœuf des burgers traditionnels et plaisent beaucoup aux consommateurs suisses.
Les burgers à base de protéines végétales s’imposent désormais comme le troisième produit des alternatives à la viande en termes de CA (11,81 M EUR ; 12,7 M CHF) derrière les tofu/tempeh/seitan (20,64 M EUR ; 22,2 M CHF) et les alternatives aux steaks et schnitzels (18,13 M EUR ; 19,5 M CHF). Suivent ensuite les émincés (9,86 M EUR ; 10,6 M CHF), les saucisses (8,83 M EUR ; 9,5 M CHF), les falafels (6,32 M EUR ; 6,8 M CHF) et les alternatives à la viande hachée (8,86 M EUR ; 6,3 M CHF).
Outre l’explosion des ventes de burgers, on observe aussi de fortes progressions des offres végétales d’émincés (+156,5 % de CA), de viandes hachées (+99,9 %), saucisses (+91,5 %) ou nuggets (+74,7 %).
Le marché suisse compte déjà plusieurs acteurs visant à répondre à cette tendance. L’américain Beyond Meat et les Suisses Garden Gourmet (filiale de Nestlé), Green Mountain (filiale de Coop Bell), Planted ou encore V-Love commercialisent des viandes végétales sous différentes formes qui permettent aux consommateurs soucieux des effets de la production alimentaire sur l’environnement ou du bien-être animal de trouver des alternatives adaptées.
En termes de distribution, les détaillants « classiques » restent le premier canal de distribution des alternatives aux produits carnés animaux. 89 % des ventes de substituts de viande y sont réalisées pour un CA de 97,85 M EUR (104,8 M CHF) en 2020. Avec un chiffre d'affaires de 9,67 M EUR (10,4 M CHF) les discounters atteignent une part de marché de 8,8 %. 2,32 M EUR (2,5 M CHF) sont également vendus dans des magasins spécialisés.
De son côté, la viande de culture, c’est-à-dire produite en laboratoire à partir de fibres musculaires, n’a pas encore atteint sa phase de maturité sur le marché suisse.
De manière générale, du temps est encore nécessaire pour que ces viandes (végétales et de culture) se popularisent en Suisse au point de sortir du statut de marché de niche. En effet, par rapport au marché total de la viande en Suisse, les alternatives à la viande ne représentent encore que 2,2 % des ventes à une période où les producteurs de viande ont réalisé un chiffre d'affaires de plus de 4,61 Mds EUR (5 Mds CHF) cette année. Malgré une explosion des ventes l’an dernier, il existe encore des freins à la consommation de ces viandes, notamment leur prix qui reste supérieur à celui de la viande conventionnelle. Par exemple, dans le commerce de détail un burger végétal coûte en moyenne 42 % de plus qu’un burger de bœuf classique. Aujourd’hui, les producteurs s’efforcent donc de faire baisser les prix et mettent en place des stratégies fortes pour conquérir de nouvelles parts de marché.
Sources : Bureau Business France de Zurich, 2021 ; Eric Bügler, 08/08/2020, Sonntagszeitung ; House of Switzerland, 30/09/2020, www.houseofswitzerland.org ; Coop, 12/2020, Plant based food report 2021 ; Communiqué de presse Group Emmi, 23/03/2021, www.group.emmi.com ; Cornel Herrmann, Conradin Bolliger, 05/2021, Bundesamt für Landwirtschaft ; Angelika Gruber, Barbara Reye, 05/05/2021, Berner Zeitung ; Matthias Benz, 17/05/2021, Neue Zürcher Zeitung ; Stefan Frühauf, 23/08/2021, SRF ; Olga Yurkina, 12/07/2019, Le Temps ; Heike Jahberg, Timo Brücken, 14/09/2021, Der Tagespiegel ; Eva Schultz, 18/05/2021, 17/06/2021, 25/06/2021 et 12/07/2021, Statista