Date de publication :

Secteur Vins, spiritueux, bières, cidres
Pays concerné
Suisse
Thématique Actualités du secteur
Face au recul de la vente des vins avec la crise sanitaire (-5,9 % au total en 2020 par rapport à 2019 soit 240 M de litres), des vignerons et restaurateurs locaux développent de nouveaux projets innovants, ambitieux et parfois controversés dans l’objectif d’inciter les consommateurs à consommer les produits locaux. Pour autant, les vins étrangers semblent avoir convaincu les clients des commerces de détail suisses, se faisant un peu plus une place parmi les bouteilles suisses.
Image info sectorielle

Malgré une hausse des parts de marché du vin suisse pour la quatrième année consécutive (+2,5%, soit 39,5% sur l’ensemble du marché), la situation est notamment inquiétante dans certaines régions comme dans le canton de Vaud où il convient de rapidement désengorger les caves. Elles comptent plus de 18 M de litres de vin rouge en stock, soit deux ans et demi de consommation courante. Une étude réalisée par l’office des Vins Vaudois (OVV) souligne par ailleurs que la quasi-totalité des consommateurs a une très mauvaise connaissance des vins rouges locaux.

Dans ce contexte, une soixantaine de domaines viticoles s’est réunie pour créer un produit commun : « l’Escargot rouge ». Cette marque aux caractéristiques modernes - tant dans sa fabrication que dans sa conception marketing – doit contribuer à promouvoir plus facilement les vins rouges du canton de Vaud partout en Suisse. Deux gammes seront proposées sur le marché à partir de septembre 2021 : « L’Original » et « La Sélection ».  « L’Escargot rouge » se veut un projet ambitieux créé pour répondre aux attentes des consommateurs. Ainsi, en amont de la création de la marque, l’agence Swiss Creativ a lancé une enquête pour connaître les nouvelles tendances de consommation, proposant notamment des dégustations à l’aveugle. Résultat : la grande majorité des intervenants s’est montrée sensiblement plus intéressée par des vins sucrés et prête à acheter ce type de vin. Essentiellement composés de pinot noir, gamay, gamaret, garanoir et galotta purs ou assemblés, les vins « l’Escargot rouge » gardent donc un taux de sucre résiduel pouvant atteindre jusqu’à 10 grammes par litre. Les vignerons disposent toutefois d’une liberté dans le cadre du cahier des charges de la marque.

Mais, si les vins plus sucrés se révèlent particulièrement recherchés en Suisse, les projets visant à répondre à cette nouvelle demande ne sont pourtant pas sans risque. Grâce à la diversité des cépages sur le sol helvète, la fabrication de vins très fruités et plus ronds est facilitée et plait davantage aux consommateurs. Mais, pour Pascale Deneulin, professeure d’analyse sensorielle en Suisse, la création de telles bouteilles rentre aussi en contradiction avec la volonté de la jeune génération de diminuer sa consommation en sucre. Il est donc nécessaire de recourir à des moyens de communication adaptés qui ne font pas l’éloge du sucre dans le vin. En d’autres termes, le vin sucré plaît, mais il ne faut pas dire qu’il est plus sucré.

En somme, pour élaborer une stratégie gagnante tout en préservant le patrimoine local, les producteurs suisses s’inspirent des crus étrangers concurrents et des produits tendances sur le marché : les vins plus sucrés et les vins mousseux dont la demande a progressé de 2,1 % en 2020. Du côté des vins blancs suisses par exemple, même si les chiffres de ventes ont été bons au cours de l’année, de nouveaux produits locaux comme le « Chpritz » ou le « Proceswiss » sont apparus sur le marché. Depuis 2018, la consommation de Spritz est grandissante et la Suisse figure parmi les principaux marchés pour les producteurs italiens.

La crise sanitaire a aussi fait évoluer les canaux de distribution en favorisant les achats dans le commerce de détail comme le révèle l’observatoire suisse du Marché des Vins (OSMV). Face à la fermeture des restaurants, les ventes des vins locaux proposés par les grands distributeurs ont augmenté de 13,6 % en 2020. Par ailleurs, sur l’année, plus de 30 % des vins suisses se sont vendus dans huit des plus grandes enseignes du pays d’après l’office fédéral de l’Agriculture (OFAG).

Les vins étrangers - dont la consommation a diminué de 15,4 M de litres au total en 2020 - occupent malgré tout une place de plus en plus importante dans la grande distribution. Les ventes de vins dans les chaines de magasins ont fortement augmenté de 11,2 % en 2020 par rapport à l’année précédente. Les prix de ces vins sont aussi plus couteux de 1,9 %.

Par ailleurs, les vins français semblent avoir toujours la cote. D’après le rapport « L’année viticole 2020 » de l’office fédéral de l’Agriculture, plus de 1,4 M d’hectolitres de vins étrangers en provenance d’Italie, de France et d’Espagne ont été consommés en Suisse en 2020. La France s’impose comme 2ème fournisseur de la Suisse en vin, derrière l’Italie. Les vins français représentent 22 % des importations suisses de vins, une part qui reste la même qu’il s’agisse de vins blancs, rouges ou mousseux. La Suisse a ainsi importé 87 161 hl de vins blancs français l’an dernier, 262 898 hl de vins rouges et 45 797 hl de vins mousseux. La consommation de vins français est d’ailleurs en très légère progression (+0,01 % pour les vins rouges et +0,4 % pour les vins blancs) alors que les chiffres de ventes ne sont pas aussi favorables pour les vins italiens, même si leur consommation reste deux fois plus élevée que celle des vins français en Suisse. Les ventes totales ont diminué en 2020 (-0,2 % par rapport à 2019), particulièrement pour les vins blancs (-6,3 % par rapport à l’année précédente). Quant aux vins espagnols - qui sont moins présents sur le marché suisse que les vins italiens et français – l’année 2020 s’est traduite par une lourde chute de leur consommation de 6,3 %.

Sources : Bureau Business France de Zurich ; Jean-Philippe Buchs, 31/03/2019, Bilan ; David Moginier, 22/01/2021, 24 heures ; RTS, 29/04/2021 et 20/08/2021, www.rts.ch ; Office fédéral de l’Agriculture, 2021, l’année viticole 2020