Date de publication :

Secteur Transition écologique
Pays concerné
Egypte
Thématique Grands projets
Avec le projet d’El Dabaa, l'Egypte entre dans l'ère atomique. Attribué dès 2015 à l’entreprise russe Rosatom, pour un coût d'environ 30 Mds USD, le projet constitue la première centrale nucléaire civile de l’Egypte et doit atteindre une capacité maximale de 4,8 GW d'énergie nucléaire. Ce projet fait partie du programme nucléaire égyptien développé dès 1954, et a connu plusieurs rebondissements.
Image info sectorielle

L’Egypte souhaite depuis longtemps développer ses capacités nucléaires, afin de répondre à 3 objectifs principaux :

1. doubler les capacités de production d’électricité d’ici à 2027, afin de faire face à l’augmentation de la consommation électrique, accrue par la croissance démographique, de forts taux de pénétration des technologies énergivores telles que l’Internet, et de grands projets industriels comme les centrales de désalinisation ;

2. Diversifier les mix électrique et énergétique égyptiens, encore très dépendants du gaz naturel et des hydrocarbures, que les autorités préfèrent utiliser dans l’industrie pétrochimique pour en augmenter la valeur ajoutée ;

3. Renforcer sa position de hub énergétique régional, à la fois pétrolier et gazier, et électrique, grâce à des accords d'interconnexion lui permettant d'exporter l'énergie vers ses pays voisins.

Un projet souhaité depuis près de 70 ans dont la mise en oeuvre a connu plusieurs soubresauts

Le programme nucléaire de l’Egypte constitué dès 1954 envisage trois centrales nucléaires (600 MW chacune), en complément du projet de la centrale de Dabaa. Pour l’instant, seule la centrale de Dabaa (côte méditerranéenne, nord-ouest du pays) est en voie de concrétisation.

En 1968, l’Egypte a signé le Traité de Non-Prolifération Nucléaire mais a refusé de le ratifier suite au même refus de la part d’Israël en 1981. L’Egypte n’a pas non plus signé le protocole additionnel du TNP, ce qui explique l’échec des négociations entre les gouvernements égyptiens et européens dans les années 1970 pour la construction d’une centrale. Le projet avait ensuite été mis en suspens après l'accident de Tchernobyl.

En 1983, le projet fut de nouveau considéré et le site d'El Dabaa a été sélectionné, puis approuvé en 2010 par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). La décision de construire la centrale a été annoncée en octobre 2007. Le développement avait cependant été interrompu en raison de la révolution égyptienne de 2011, des troubles politiques qui l’ont suivie, et de différends avec les habitants de Dabaa.

Enfin, suite à l’accord conclu en 2015 avec Rosatom, la centrale d'El Dabaa s'est vue portée sur le chemin de la concrétisation. Près de 85 % du projet est financé par un prêt de 25 Mds USD de la Russie, l'Égypte devant commencer à rembourser les intérêts de 3 % (par des paiements semestriels sur 22 ans) en octobre 2029. Le reste du coût sera financé localement par le gouvernement égyptien, soit par l'État, soit par les banques locales.

Etat des lieux du projet en 2022

L'autorité égyptienne de réglementation nucléaire et radiologique (ENRRA) a approuvé le site de la centrale en avril 2020, mais elle doit encore délivrer un permis de construire distinct, pour lequel Rosatom a officiellement déposé la demande et le dossier l’accompagnant en janvier 2022.

Les travaux préparatoires et les infrastructures sont déjà terminés, de même que l’enceinte et les logements pour les ouvriers et les employés. La construction devait commencer courant 2020, pour permettre une mise en service du premier des quatre réacteurs nucléaires de 1,2 GW en 2026. L’épidémie COVID-19 a néanmoins causé de nombreux retards, avec des dysfonctionnements logistiques, des équipes réduites, et des retards administratifs, même si le chantier ne s’est pas officiellement arrêté. Les travaux de construction de la centrale devraient finalement débuter à l’été 2022. Les autres réacteurs doivent être opérationnels d'ici 2029 - 2030.

La première phase d'une usine de production de composés d'uranium, destinée à desservir la centrale, a été achevée par l'Autorité égyptienne de l'énergie atomique en 2020. Rosatom fournira aussi du combustible aux réacteurs pendant toute la durée de vie de la centrale. L’entreprise russe doit aussi assurer la formation du personnel et aider l'Égypte à exploiter et à entretenir la centrale pendant les dix premières années de son fonctionnement. Selon un autre contrat, la partie russe construira un entrepôt spécialement conçu et devra fournir des conteneurs pour le stockage du combustible usé.

L'implication croissante des égyptiens, en coopération avec des entreprises étrangères, pour une future industrie nucléaire locale

La contribution locale est une part importante pour le gouvernement, qui souhaite former une industrie et un savoir-faire égyptien. Les entreprises égyptiennes doivent réaliser au moins 20 % des travaux sur le premier réacteur et devraient jouer un rôle croissant dans la construction les trois autres. Quelque 150 entreprises égyptiennes avaient été jugées par le gouvernement comme étant qualifiées pour travailler sur El Dabaa et Rosatom avait annoncé en octobre 2019 envisager de créer une usine avec des entreprises égyptiennes pour fabriquer des composants pour El Dabaa.

En tout, sept entreprises égyptiennes et russes ont soumis des offres pour participer à un appel d'offres visant à préparer davantage le site pour la construction, lancé par Atomstroyexport, une filiale de Rosatom qui est le principal contractant du projet. Les grands groupes de génie civil Orascom Construction, Hassan Allam, Arab Contractors et Petrojet sont les principaux acteurs égyptiens pour la construction, avec ElSewedy pour les lignes de transmission. Parmi les autres entreprises locales impliquées dans le projet, le consultant Sabbour Consulting a signé un protocole d'accord avec l'Autorité de l'énergie atomique début 2020, ce qui en fait le principal consultant technique du projet.

Des entreprises étrangères s’intéressent aussi au projet. Le gouvernement égyptien a signé en 2019 un contrat de 200 M USD avec la société australienne de conseil en ingénierie WorleyParsons pour fournir des conseils en gestion de projet. Power, de General Electric, doit livrer quatre îlots de turbines nucléaires aux projets, pour un coût estimé à 700 M USD. L'ENRRA travaille également avec deux consultants techniques étrangers, l'un basé en Russie et l'autre en République tchèque, pour l'aider sur le plan réglementaire.

L’entreprise française Assytem a ouvert une filiale en Egypte en 2019 afin de réaliser des activités d’ingénierie, d’assistance technique et de pilotage de projet.

Des inquiétudes exprimées quant à ce projet encore controversé en Egypte

El Dabaa devrait couvrir 10 % des besoins en électricité de l'Égypte, et doit permettre d’alimenter les stations de dessalement en projet sur la côte méditerranéenne, tandis que le surplus d’électricité pourra être exporté vers les pays voisins grâce aux interconnexions avec la Jordanie, la Palestine, la Libye et (plus récemment) le Soudan, et les accords signés avec l’Arabie Saoudite, la Grèce et Chypre (projet EuroAfrica de 4 Mds d'USD dont l’achèvement est attendu pour fin 2022). Les projections prises en compte par le gouvernement estiment que la consommation d'électricité du pays devrait dépasser les 40 GW lorsque El Dabaa sera opérationnelle, contre 30 GW actuellement.

Mais les critiques ont exprimé des inquiétudes quant à la sécurité. La crainte des déchets radioactifs est omniprésente dans le projet depuis son lancement. La Nuclear Power Plants Authority (NPPA), qui possédera et exploitera la centrale, affirme vouloir utiliser une technologie de combustible améliorée avec des intervalles de ravitaillement prolongés pour limiter les déchets radioactifs, avec une structure de double confinement pour éviter les fuites radioactives.

Sources : « Enterprise Newsletter, 19 janvier 2022 ; Al Ahram Online, 12 Décembre 2021 ; Enterprise, 29 Juin 2020 ; World Nuclear Association, Nuclear Power in Egypt, Updated janvier 2022 ; Site Internet d’Assytème ; Bureau Business France en Egypte »