Constatant ce paradoxe, des scientifiques de l’IA ont récemment développé Plato, nom inspiré du philosophe grec qui construisait une compréhension intuitive des phénomènes physiques. La caractéristique principale de cette machine n’est pas sa propension à effectuer des tâches intraitables par l’homme, mais bien sa compréhension approfondie des phénomènes physiques auxquels elle est confrontée, qu’elle pourra appliquer à d’autres situations par la suite.

Il faut que la machine apprenne à « apprendre ». C’est pourquoi les scientifiques ont montré à Plato des vidéos dans lesquelles une balle roule, se heurte à d’autres objets ou disparaît derrière certains. L’objectif est d’inculquer à la machine les principes physiques de base, en l’occurrence l’espace, la continuité des objets, le mouvement.

Ensuite, les scientifiques ont montré au programme des scènes qui contrevenaient à ces principes - par exemple lorsqu'une balle qui roule disparaissait derrière un autre objet et ne réapparaissait pas. Plato a pu transférer ce qu'elle avait appris et reconnaître quand les règles physiques étaient violées. Pour l’équipe de chercheurs dirigés par le neuroscientifique Luis S. Piloto, il pourrait s'agir d'une étape sur la voie de la transmission à une IA d'une compréhension plus générale du monde.

Ce travail démontre à quel point la recherche en IA évolue : au lieu de transmettre des connaissances à leurs programmes et de leur faire ingurgiter d'énormes jeux de données, les scientifiques s'efforcent de plus en plus d'imiter l'apprentissage des enfants et de comprendre comment le cerveau parvient à transférer des notions d'une situation à l'autre.

Reste à savoir si l'on veut vraiment qualifier Plato d'"intelligent". Les têtes pensantes derrière le programme le sont certainement. Qui sait quelles idées leur viendront encore ?

Source : Zeit, 18/07/2022, www.zeit.de