Date de publication :

Secteur Transition écologique
Pays concerné
Allemagne
Thématique Actualités du secteur
Les exigences de sobriété énergétique et d’efficacité thermique des bâtiments à usage résidentiel se font plus que jamais pressantes au regard de l’actuelle crise énergétique qui frappe de plein fouet l’Allemagne. Ajoutons à ceci les préoccupations écologiques inhérentes à la crise climatique : depuis l’accession au pouvoir en 2021 de la nouvelle coalition gouvernementale composée notamment du parti écologiste Bündnis 90/Die Grünen, les mesures incitatives pour renforcer l’efficacité énergétique des bâtiments ne se sont vues que renforcées.
Image info sectorielle

Une enveloppe pour l’assainissement et la rénovation énergétiques du parc immobilier résidentiels estimée à 3 600 milliards EUR :
Face à ces enjeux, l’organisation ombrelle regroupant l’ensemble des fédérations allemandes actives dans le secteur de l’immobilier et de la construction de logements ainsi que le syndicat national et l'association fédérale des locataires (Verbändebündnis Wohnungsbau, https://www.impulse-fuer-den-wohnungsbau.de/) a mené une étude à l’échelle fédérale permettant de quantifier l’ampleur et le coût du chantier de rénovation du parc national de logements existants afin de satisfaire aux nouvelles exigences et réglementation émises par le gouvernement.
Avec son étude, le dessein de Verbändebündnis Wohnungsbau est de trouver un point d’équilibre entre nécessité de respecter les impératifs de protection du climat d’un côté, et éviter une augmentation excessive des loyers consécutives aux investissements nécessaires pour la rénovation des habitations de l’autre.

Premier constat : les systèmes de chauffage et de production d’eau chaude sanitaire sont des moteurs du changement climatique ; environ 14 pour cent des gaz à effet de serre que l’Allemagne déverse chaque année dans l’atmosphère proviennent du secteur du bâtiment. Pour atteindre les objectifs climatiques, cette valeur doit être abaissée de manière significative, par exemple grâce à des travaux de rénovation de l’enveloppe du bâtiment, grâce notamment à une meilleure isolation, et cela nécessitera des investissements extrêmement conséquents. La Verbändebündnis Wohnungsbau estime en effet que ce seul chantier pourrait nécessiter des dépenses à hauteur de de 150 milliards EUR par an.
D'ici 2045 - l'année où l'Allemagne veut atteindre la neutralité climatique - cela représenterait une enveloppe totale de de 3 600 milliards EUR. Ce qui équivaut à une somme supérieure au produit intérieur brut de l'Allemagne en 2020. Autant d’opportunités pour les entreprises du bâtiment, mais autant de coûts à supporter par les propriétaires et locataires.

Des discussions sur les normes d'efficacité énergétique :
Cependant, l’addition finale pourrait s’avérer bien plus élevée encore, si le gouvernement fédéral venait à faire entrer en vigueur l’ensemble des normes inscrites dans l'accord de coalition de 2021 : l’alliance tripartite au pouvoir (constituée des verts, des libéraux et des sociaux-démocrates) aspire, dès 2025, à durcir la réglementation relative à l’efficacité énergétiques des bâtiments neufs (Effizienzhaus 40) ainsi que celle relative à la rénovation des logements (Effizienzhaus 70).
Ceci illustre le grand conflit que traversent actuellement les constructeurs de logement : d'une part, de nombreux logements bon marché doivent être construits pour couvrir la demande (on parle de 200 000 à 400 000 logements/an), et d'autre part, ils doivent être respectueux du climat.
Ces deux impératifs sont-ils raisonnablement conciliables ? La Verbändebündnis Wohnungsbau propose une double stratégie :

  1. conserver les normes de rénovation déjà existantes à date en 2022 ; ne pas en imposer de nouvelles, de sorte que les coûts de travaux soient financièrement supportables aussi bien pour les propriétaires que pour les locataires ;
  2. effectuer une transition complète vers des énergies renouvelables pour le chauffage et l’alimentation électrique des habitations.

La question des loyers au centre des préoccupations :
Compte tenu du fait que 57,9 % des ménages allemands vivent en location, la question de la stabilité des loyers est centrale et recouvre une dimension politique de premier ordre. Le chef du syndicat du BTP IG Bau, Robert Feiger, déclarait récemment que l’ensemble des acteurs allemands de la construction aspirent à l’atteinte des objectifs de protection de l’environnement fixés par le gouvernement, toutefois à condition que l’impact économique reste mesuré : « Si nous venions à rénover l’ensemble du parc de logements selon les normes [prévues dans l’accord de coalition de 2021], nous aurions pour effet direct de voir augmenter les loyers de manière inconsidérable et à un niveau peu supportable pour le commun des citoyens allemands ».
L'Institut de l'économie allemande de Cologne (Institut der Deutschen Wirtschaft, IW) reconnaît également ce dilemme. S’en tenir aux normes préexistantes et ne pas en adopter de plus sévères ne constitue cependant pas une solution, car les objectifs de protection du climat ne pourront être atteints en suivant cette logique, explique Ralph Henger, spécialiste de l'IW pour le marché immobilier. La proposition du gouvernement fédéral d'imposer une norme d'efficacité énergétique plus contraignante (Effizienzhaus 40) dans les nouvelles constructions d'ici trois ans est en principe la bonne voie à suivre, à condition que l’Etat offre des facilités, notamment financières.

Des discussions entamées entre les acteurs de la construction et le gouvernement fédéral :
La Verbändebündnis Wohnungsbau espère en revanche qu’une solution intermédiaire sera adoptée, tout en rejoignant l’IW sur la nécessité de subventionner massivement les travaux de rénovation des logements. Une aide de 30 milliards EUR par an serait nécessaire. Les représentants de la fédération ont adressé officiellement leurs requêtes au gouvernement lors du Wohnungsbautag du 17 février 2022, congrès réunissant décideurs économiques du monde de la construction, et décideurs politiques. Ainsi, la Verbändebündnis Wohnungsbau a pu échanger directement avec Klara Geywitz, ministre fédérale du logement et de l’urbanisme, et Robert Habeck, vice-chancelier et ministre fédéral de l'Économie et du Climat.

Reconversion de bureaux comme solution d’urgence :
De son côté, l’institut Arbeitsgemeinschaft für zeitgemäßes Bauen a également examiné comment concilier la création de 400 000 nouveaux logements par an, voulue par le gouvernement fédéral, dans le contexte actuel. Un grand potentiel existe dans la transformation de bureaux en logements. Selon les calculs du directeur de l'institut, Dietmar Walberg, environ 1,9 million de nouveaux logements pourraient ainsi être créés. Et ce, à un prix relativement bas, avec des coûts de transformation inférieurs à 1 200 EUR par mètre carré. A titre de comparaison, il faut compter plus de 3 100 euros pour une nouvelle construction, selon Walberg.
Outre la conversion de bureaux, les immeubles d'habitation pourraient être surélevés et des étages ainsi rajoutés. De même, les maîtres d'ouvrage pourraient ajouter un ou plusieurs étages aux bâtiments administratifs, aux complexes de bureaux, aux supermarchés et aux parkings.  Au total, 4,3 millions de nouveaux logements pourraient ainsi être construits sans "avoir besoin d'un seul mètre carré de terrain à bâtir supplémentaire", selon Walberg.

 

Source : https://www.tagesschau.de/