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Qu’est-ce que l’agriculture régénératrice ?
L’agriculture régénératrice, ou régénérative, réunit un ensemble de pratiques agricoles ayant pour but de renforcer naturellement la qualité des sols ou de restaurer la fertilité des terres épuisées.
Il n’y a pas de consensus sur sa définition, mais ce terme repose sur plusieurs piliers dont la réduction des intrants chimiques et la rotation des cultures. Des sols plus sains vont permettre de séquestrer naturellement plus de carbone, favoriser la densité nutritionnelle des cultures et l’amélioration de la biodiversité.
Des engagements divers et variés
L’entreprise américaine General Mills est le 6e groupe agroalimentaire mondial et distribue une centaine de marques dont Häagen-Dazs, Nature Valley, les céréales Cheerios ou encore Cookie Crisp. L’entreprise a publié en avril dernier son rapport annuel de durabilité et décrit l’agriculture régénératrice comme la solution la plus prometteuse pour atteindre ses objectifs de lutte contre le réchauffement climatique. L’entreprise s’est engagée d’ici 2030 à s’approvisionner avec des matières premières agricoles venant de l’agriculture régénérative pour 405 000 hectares soit environ 30 % de sa chaîne d’approvisionnement agricole. Aujourd’hui ce type de culture représente 4 fois moins, avec 100 000 hectares dans leur approvisionnement.
De son côté Nestlé travaille avec plus de 600 000 agriculteurs et leur verse des primes s'ils suivent des pratiques régénératives, telles que l'utilisation d'engrais organiques. Nestlé ne divulgue pas la quantité de carbone qu'elle estime capturée par ces méthodes, mais elle étudie actuellement comment mieux en mesurer les effets. L'entreprise espère atteindre 20 % de ses ingrédients clés sourcés par l'agriculture régénérative d'ici 2025 et la moitié d'ici 2030.
Pour sa part, PepsiCo estime que la promotion de l’agriculture régénératrice dans son approvisionnement va permettre de réduire d’au moins 3 millions de tonnes d'émissions de gaz à effet de serre d'ici la fin de cette décennie.
De nombreux agriculteurs sont encore hésitants pour adopter ce type de méthode par peur d’une baisse de rendement et par méconnaissance des méthodes alternatives à l’agriculture intensive. Il est donc important pour eux d’être encouragés à suivre cette direction par le gouvernement américain ainsi que par la demande de leurs clients.
Cependant, plusieurs défis entourent ce type d’engagements comme le manque de définition claire ou encore la difficulté à mesurer l’efficacité concrète de ces pratiques.
Absence de définition claire et partagée
En effet, alors que de nombreuses entreprises prétendent adopter des pratiques d'agriculture régénérative, certains experts craignent que l'absence de définition claire favorise le greenwashing dans les discours. Un rapport récent de la Food and Land Use Coalition (FOLU) a déclaré que l’absence de consensus et les revendications irréalistes peuvent semer la confusion et le scepticisme des consommateurs vis-à-vis de ces pratiques agricoles.
Le fait que chaque entreprise ait sa propre idée générale de la manière d'aborder l'agriculture régénérative est problématique. Le groupe FOLU a déclaré que les données les plus précises sur les opérations des entreprises alimentaires devraient être publiquement disponibles pour permettre une plus grande transparence. "Les décideurs politiques devraient réorienter les subventions agricoles pour soutenir l'agriculture qui produit des résultats positifs", a proposé Theodora Ewer, l'une des auteurs du rapport (Dive Food, 27/04/2023).
Comment mesurer les engagements annoncés ?
Le second défi principal est donc la capacité à mesurer les efforts fournis. Il est compliqué de déterminer les émissions carbones captées dans le sol, pour l’instant cela repose largement sur des estimations imparfaites. Les entreprises ont grand intérêt à améliorer leur capacité de mesure pour répondre aux nouvelles règles américaines qui pourraient les obliger à publier des informations fiables sur leurs émissions et leurs plans climatiques. En effet, la SEC (le gendarme américain des marchés financiers) travaille sur un projet de règlement qui prévoit d'imposer aux entreprises cotées en bourse de diffuser le niveau de leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici 2024 à 2026. Cette proposition vise à améliorer et à normaliser la communication d’informations relatives au climat.
Mesurer concrètement leurs efforts représente donc un chantier important pour les entreprises comme General Mills. Leur responsable scientifique, Steve Rosenzweig, a notamment déclaré que "Mesurer les résultats de l'agriculture régénérative peut être une entreprise importante qui nécessite du temps, des échantillonnages manuels sur le terrain et une analyse coûteuse des données." (Dive Food, 21/04/2023)
L'année dernière, l'entreprise a étendu son partenariat avec Regrow Agriculture Inc., une suite logicielle qui estime comment les émissions sont stockées en utilisant des sources telles que l'imagerie par satellite. General Mills travaille maintenant à inclure les données sur le carbone du sol et les émissions dans son empreinte annuelle.
L’agriculture régénérative peut constituer une solution pour aider à réduire les émissions de gaz à effet de serre de l'industrie alimentaire, mais des normes claires et des mesures basées sur les résultats sont nécessaires pour s'assurer que les entreprises respectent leurs engagements de manière honnête et transparente.
Sources :
- Dieter Holger, 28/02/2023, Food Companies Look to mesure how soil captures carbon, WSJ.com ;
- Shaun Lucas et Chris Casey, 27/04/2023, Regenerative ag is driving food sustainability promises, but is it greenwashing? Food Dive ;
- Chris Casey, 21/04/2023, Why General Mills is embarking on a farmer-driven regenerative agriculture strategy, Food Dive ;
- Zach Warren, 30/01/2023, Upcoming SEC climate disclosure rules bring urgency to ESG data strategy planning, Reuteurs.