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Habituellement, les prix du porc obéissent à un cycle bien définit. Lorsque les prix sont élevés, davantage de gorets sont élevés puis abattus 6 mois plus tard, ce qui provoque un surplus de l’offre et fait baisser les prix. Ensuite, il n’y plus assez de cochons dans les élevages car ils ont été largement abattus donc les prix remontent sur le marché. Cependant, ce cycle est actuellement rompu : l’offre et la demande chutent mais les prix restent hauts. Le groupe d’intérêt des éleveurs de porcs en Allemagne qualifie ce bouleversement de rupture structurelle, sous-tendue par des raisons multiples.
Tout d’abord, la demande est en crise : les Allemands consomment moins de viande de porc pour des raisons de santé, religion ou de protection de l’environnement et le gouvernement soutient cette dynamique. L’industrie du porc souffre aussi d’une image négative à cause de la pollution au nitrate, de l’usage massif d’antibiotiques et du manque d’attention porté au bien-être animal (seulement 3 % de la viande de porc produite provient d’élevages classés parmi les 2 plus hauts niveaux en matière de respect des animaux).
L’exportation de porcs vers l’Asie, où les bas-morceaux sont considérés comme des mets de choix et donc vendus à un bon prix, est aussi dans l’impasse en raison de la peste porcine qui sévit, privant les éleveurs d’un revenu important.
Les éleveurs font aussi face à des problèmes financiers liés à la hausse des prix de l’énergie et des aliments des porcs. De nombreux éleveurs mettent fin à leur activité, aussi à cause du manque de perspectives et de la difficulté d’anticiper les bouleversements. En effet, on constate qu’en 10 ans, le nombre d’élevages a été divisé par 2.
Le dernier bilan de l’office fédéral des statistiques fait état de la chute de la production de porc. Au 1er semestre 2023, la quantité de viande de porc produite a baissé de 9,5 % et seulement 47 M de porcs ont été abattus en 2022, contre 60 M en 2016. Dans le même temps, l’importation de porcs étrangers a grimpé de 20 %. Toutefois, les distributeurs et les consommateurs exigent de plus en plus de viande allemande de bonne qualité, qui est pourtant peu courante sur le marché. Mais en période d’inflation, cette viande est parfois trop chère pour les consommateurs, ce qui explique le recul de la viande certifiée bio.
Les élevages s’adaptent à la demande croissante de viande plus responsable, soutenue par le gouvernement qui a fait voter une loi rendant obligatoire dès 2024 l’étiquetage du mode d’élevage sur toutes les viandes allemandes. Mais de si grands travaux représentent un investissement très important et les éleveurs ont besoin de soutien financier de la part du gouvernement fédéral.
Finalement, les défis que doit relever la filière porcine allemande sont nombreux, et ces difficultés croissantes expliquent pourquoi les prix sont au plus haut et ne sont pas près de baisser.
Sources : Handelsblatt, Katrin Terpitz (8 août 2023) ; Tagesspiegel (26 juin 2023) ; agrarheute (par Norbert Lehmann, 9 août 2023)