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La population canadienne est l’une des plus connectées au monde. En 2021, 94% des Canadiens bénéficient d’un accès à internet et 93,5% à un smartphone. Concernant le e-commerce, 26,07 millions de Canadiens font des achats en ligne, soit 68,8% de la population du pays. Les principaux pôles de dépenses sur internet sont :
- Les voyages et l’hébergement : 14,64 milliards de dollars canadiens en 2020, malgré une baisse de 50,9% par rapport à 2019.
- Les produits électroniques, avec 10,9 milliards de dollars canadiens en 2020, + 13,2%.
- La mode et les cosmétiques, avec près de 10 milliards de dollars canadiens en 2020, +19,3%.
A l’exception du premier, tous les autres secteurs ont connu une croissance à deux chiffres de leur vente en ligne en 2020. Le e-commerce a représenté au Canada de près de 38 milliards de dollars (+ 18,2% par rapport à 2019).
L’e-commerce des boissons alcoolisées a évolué de manière très différente en fonction des provinces.
La vente d’alcool au Canada est régie au niveau provincial. Les monopoles sont chargés de gérer ces différents marchés. Chaque province possède sa propre entité avec son fonctionnement spécifique et ses règles. Les quatre principales organisations sont :
- La LCBO pour l’Ontario
- La SAQ pour le Québec
- Le BCLDB pour la Colombie Britannique
- L’AGLC pour l’Alberta
Les deux premières gèrent l’ensemble du marché des boissons alcoolisées sur leurs territoires respectifs. La Colombie-Britannique a un fonctionnement mixte car si le BCLDB a bien le monopole de l’importation et de la vente en gros, la vente au détail est partiellement libéralisée. L’Alberta a fait le choix d’un marché totalement libéralisé. L’AGLC ne gère que l’importation et le stockage de l’alcool. Ces règles s’appliquent à la fois à la vente physique d’alcool et à la vente en ligne.
Structure des plateformes e-commerce
Si certains monopoles provinciaux ont fait le choix de développer un site de e-commerce, d’autres en sont à leur balbutiement.
Pionner parmi les monopoles provinciaux, la SAQ a mis en place de son site marchand dès 2000. Le monopole passa donc d’un site référençant les stocks des différentes succursales à un site marchand. Ces avancées technologiques ont accompagné l’augmentation de la consommation de vin par les Québécois. En 2010, le monopole a lancé son application pour smartphone. Depuis, les ventes en ligne n’ont cessé de croître, tout comme l’offre qui y est proposée. En 2019, la SAQ a généré 45,6 millions de dollars canadiens de chiffre d’affaire via le e-commerce.
La LCBO a ouvert son site internet marchand en 2016. Les ventes de cette plateforme ont connu une croissance fulgurante depuis sa création (+340,9% entre 2017 et 2019). En 2019, le chiffre d’affaire était de 19,5 millions de dollars canadiens. Ce lancement dans le commerce en ligne de la part du monopole le plus important du Canada prouve que ce mode de distribution intéresse de plus en plus les grands acteurs du marché.
Le BCLDB n’a pas encore mis en place un site marchand référençant l’ensemble de ses succursales mais seulement certaines d’entre elles. De fait, il s’agit ici d’un showroom permettant de voir les stocks de chaque point de vente plutôt qu’un réel site de e-commerce.
Les grands sites de vente en ligne dans le secteur des boissons alcoolisées au Canada sont donc des plateformes des enseignes traditionnelles. Le système monopolistique ne permet pas à des sites concurrents de se développer sur ces territoires. Néanmoins, en Alberta le e-commerce des alcools a pu se développer avec des sites marchands, des market places, tels que Wine Searcher et Drizly, et également des applications, comme Vivino.
Impact de la pandémie sur le e-commerce au Canada
Le COVID-19 a été un véritable accélérateur pour le e-commerce au Canada, notamment pour la vente d’alcool. De l’aveu d’une professionnelle du secteur, il était considéré comme encore en retard pour un pays de cette envergure. En effet, aujourd’hui les livraisons à domicile d’alcools par les succursales peuvent prendre entre 3 et 10 jours pour arriver à destination en Ontario ou au Québec. Néanmoins, la crise les a obligés à s’adapter et à proposer sur certains points de vente la livraison et la collecte le jour de la commande.
Dans cette optique-là, la LCBO a modifié son mode de sélection des produits destinés uniquement à son site internet. Auparavant, les appels d’offres dédiés à ce canal de distribution étaient assez larges avec peu de critères spécifiques. Cela permettait à des agents de faire entrer au monopole des produits plus confidentiels, de niche, sur de petites quantités pour voir comment les consommateurs réagissaient. Courant 2020, l’organisation a fait évoluer son système afin d’avoir une offre plus en adéquation avec les attentes des consommateurs et plus organisée.
Avec la fermeture des bars et restaurants pour la consommation sur place, les gouvernements de l’Ontario et du Québec leur ont donné la possibilité de vendre également de l’alcool avec les repas à emporter. Ils peuvent donc désormais également participer au circuit de la consommation à domicile (off-trade), au même titre que les monopoles.
Ces ventes d’alcool via les restaurants sont réalisées en partie via des applications de service de livraison de nourriture, telle qu’Uber Eats. Elles ont permis à une grande partie des restaurateurs de continuer partiellement leur activité. La société de livraison précédemment citée montre d’ailleurs un intérêt croissant à la vente d’alcool en ligne. Début 2021, elle a racheté le site Drizly, pilier du e-commerce des boissons alcoolisées en Amérique du Nord.
Enfin, fin 2020, un parlementaire de Colombie-Britannique a fait une proposition de loi sur l’assouplissement des ventes d’alcools en ligne inter-provinces. L’objectif initial de cette loi est d’aider les producteurs canadiens à expédier directement aux consommateurs des autres provinces. Si cette proposition venait à être adoptée, cela pourrait apporter de grands changements sur le marché canadien. Les sites de e-commerce situés en Alberta pourraient ainsi livrer à travers tout le pays. La vente d’alcool en ligne au Canada n’en est donc qu’à ses débuts et est amenée à évoluer dans les années à venir.
Sources :
Société des Alcools du Québec, 10/02/2020, Site de la SAQ
Liquor Control Boards of Ontario, 10/02/2020, Site de la LCBO
British Columbia Liquor Distribution Branch, 10/02/2020, Site de la BCLDB
British Columbia Liquor Stores, 10/02/2020, Site du BC Liquor Stores