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La hausse mondiale des prix des aliments pour animaux exerce une pression sur la rentabilité des fermes d'élevage. Les producteurs de bœuf et de produits laitiers irlandais espèrent cependant que leur dépendance à l'herbe plutôt qu'aux céréales leur permettra de tirer leur épingle du jeu, si les prix des aliments pour animaux continuent d’augmenter.
Pour les producteurs laitiers britanniques, le rapport prix du lait / prix des aliments pour animaux était tombé à 1.12, son niveau le plus faible depuis juillet 2016. Lorsque ce ratio a atteint un niveau similaire au printemps 2019, la production de lait au Royaume-Uni avait chuté. On s’attend donc à un phénomène similaire si les prix stagnent à ce niveau.
Cependant, si cela se produit de manière globale dans toute l'UE, la baisse de l'offre de lait contribuera à maintenir la vigueur des marchés laitiers. De telles tendances pourraient également stimuler les prix de la viande bovine, si l'offre de viande de bœuf diminue en raison de la hausse des coûts d'alimentation.
En parallèle, la rentabilité diminue également dans les immenses fermes laitières américaines qui produisent de plus en plus de lait chaque année. Les aliments « bon marché » ont joué un rôle majeur dans la capacité des fermes laitières américaines à augmenter constamment leur production de lait de 73,7 millions de tonnes en 1999 à 101,2 millions de tonnes en 2020. De plus en plus de ces produits sont exportés vers les marchés mondiaux sous forme de produits laitiers, passant de 3,6% en 1996 à un niveau record de 16% des solides du lait produits en 2020.
Mais 2021, avec les prix futurs des céréales et des oléagineux à leur plus haut niveau depuis 2014, pourrait être l'année où la baisse des prix du lait et la hausse des prix des aliments pour animaux mettront fin à cette tendance. Le ratio lait-alimentation annoncé par le département américain de l'agriculture (USDA) en décembre était de 2.18 (le plus bas depuis mai 2020), contre 2.58 en novembre. Cet indice est basé sur le prix du lait par rapport au prix d'une ration laitière composée à 51% de maïs, 41% de foin de luzerne et 8% de soja.
La baisse de la production laitière aux États-Unis et dans les autres pays laitiers dépendants des céréales pourrait réduire considérablement leur production et leurs exportations, ce qui pourrait entraîner des gains de prix pour le secteur laitier irlandais tributaire des exportations. Les éleveurs irlandais, dépendants davantage de l'herbe que des céréales, pourraient alors profiter de cette tendance, qui pourrait durer plusieurs mois en raison d’une offre limitée en céréales.
En effet, depuis l'abolition des quotas laitiers, l'Irlande est en passe de devenir un leader mondial dans le développement d'une industrie laitière de grande valeur et écologiquement durable, basée sur un système alimentaire à base d'herbe. Le système de paturage à l'herbe à grande échelle auquel a recourt l’Irlande, a été depuis toujours sa stratégie en tant que système de production. Les champs luxuriants du pays, l'air pur et les précipitations abondantes en font un environnement parfait pour l'élevage bovin qui transforme l'herbe en produits de qualité supérieure, riches en nutriments.
Malheureusement, pour les élevages irlandais plus intensifs, produisant des porcs et de la volaille, il n’y aura pas d’avantage à la hausse des prix des céréales, ces derniers étant également touchés par une baisse des prix à la ferme.
Cette danse des prix dépendra de la demande internationale en céréales qui déterminera les prix des aliments pour animaux, et des conditions des cultures, en particulier en Amérique du Nord et du Sud. Des événements imprévus pourraient perturber les marchés céréaliers, comme la grève dans les ports en Argentine qui a affecté les approvisionnements en soja dans le monde en janvier, ou encore les frais de douane de 25% de l'UE sur les importations de pulpe de betterave et de mélasse en provenance des États-Unis, en vigueur depuis novembre.
Du côté britannique, la coopérative Arla a averti que la chaîne d'approvisionnement des produits laitiers devra faire face à une augmentation des coûts en 2021, pouvant aller jusqu’à 6% du coût de production. Pour les agriculteurs britanniques, cela pourrait représenter des coûts supplémentaires de 285 millions de livres sterling.
En janvier, la Commission européenne a approuvé cinq cultures génétiquement modifiées (trois maïs et deux soja) et renouvelé l'autorisation de trois cultures de maïs destinées à l'alimentation humaine et animale. Cela a apaisé les inquiétudes de l'industrie européenne de l'alimentation animale, après l'accumulation d'un blocage des approbations en raison du Covid-19 et de la suspension des réunions du comité permanent de l'UE.
Dans l'ensemble, la hausse des prix des céréales et des oléagineux a également fait craindre que l'inflation alimentaire ne menace les populations des pays plus pauvres tributaires des importations.
Sources : Stephen Cadogan, 17 février, Irish Examiner - Kevin White, 18/02/2021, The Grocer – Business France