Date de publication :

Secteur Transition écologique
Pays concerné
Pays-Bas
Thématique
Les Pays-Bas sont en pleine mutation énergétique. Alors qu’ils avaient prévu de fermer leur unique réacteur nucléaire en 2033, ils ont changé de cap et ont lancé un appel d’offres pour construire trois nouvelles centrales nucléaires sur leur territoire. Cette décision, annoncée en juin 2023, marque un tournant historique pour le pays, qui a longtemps hésité sur le rôle du nucléaire dans son mix énergétique. Quelles sont les raisons de ce revirement ? Quel est le contexte et l’histoire du nucléaire aux Pays-Bas ? Quelle est l’opinion publique sur cette source d’énergie controversée ?
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Un appel d’offres pour trois nouveaux réacteurs

Selon l’agence Reuters, les Pays-Bas sont en discussion avec trois fournisseurs potentiels pour construire de nouvelles centrales nucléaires dans le pays : le français EDF, le sud-coréen KHNP et le russe Rosatom. Le ministre de l’Économie et du Climat, Bas van 't Wout, a déclaré que le gouvernement néerlandais soutenait le développement du nucléaire comme une option pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et atteindre les objectifs de l’accord de Paris sur le climat.

Le gouvernement néerlandais a lancé en juin 2023 un appel d’offres pour la construction de trois nouveaux réacteurs nucléaires, d’une capacité totale de 3,4 gigawatts, qui devraient être opérationnels en 2030. Les candidats intéressés ont jusqu’au 31 décembre 2023 pour soumettre leurs offres, qui seront évaluées selon des critères techniques, financiers, environnementaux et sociaux. Le gouvernement néerlandais s’est engagé à fournir un soutien financier et réglementaire aux projets retenus, ainsi qu’à assurer la gestion des déchets nucléaires et le démantèlement des installations.

Cette initiative s’inscrit dans la volonté des Pays-Bas de diversifier leur mix énergétique, qui repose actuellement principalement sur le gaz naturel et le charbon. Le pays souhaite également renforcer sa sécurité énergétique, en réduisant sa dépendance aux importations et en garantissant une production électrique stable et continue. Enfin, le pays espère profiter des avancées technologiques et des baisses de coûts des nouveaux réacteurs nucléaires, qui sont plus sûrs, plus performants et plus respectueux de l’environnement que les anciens modèles.

Un pays qui a longtemps hésité sur le nucléaire

Les Pays-Bas ont une histoire complexe avec l’énergie nucléaire. Le pays a commencé à s’intéresser au nucléaire dans les années 1950, avec la création de l’Institut de recherche nucléaire (NRG) et la construction du premier réacteur de recherche à Petten en 1962. Le pays a ensuite développé deux réacteurs de puissance : Dodewaard, mis en service en 1969, et Borssele, mis en service en 1973. Ces deux réacteurs ont été construits avec la coopération de pays étrangers : le Royaume-Uni pour Dodewaard et l’Allemagne pour Borssele.

Cependant, le développement du nucléaire aux Pays-Bas a été freiné par plusieurs facteurs. D’une part, le pays dispose de vastes ressources en gaz naturel, qui ont longtemps assuré la majorité de sa production électrique. D’autre part, le pays a connu une forte opposition populaire au nucléaire, notamment après l’accident de Tchernobyl en 1986, qui a provoqué des manifestations massives et des actions de désobéissance civile. En 1994, le gouvernement néerlandais a décidé de fermer le réacteur de Dodewaard, qui a cessé de fonctionner en 1997. En 2006, il a également annoncé la fermeture du réacteur de Borssele en 2033, après avoir prolongé sa durée de vie initiale de 40 ans.

Le pays a toutefois maintenu une activité nucléaire dans le domaine de la recherche, de la médecine et de l’industrie. Le réacteur de Petten, qui produit environ 30 % des isotopes médicaux utilisés dans le monde, a été rénové en 2019 et devrait fonctionner jusqu’en 2025. Le pays a également participé à des projets internationaux de coopération nucléaire, tels que le réacteur expérimental ITER en France et le réacteur de recherche MYRRHA en Belgique.

Le pays a également connu des moments clés dans son rapport au nucléaire. En 1977, le gouvernement néerlandais a adopté une loi interdisant la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, en réponse à la pression des mouvements écologistes et pacifistes. En 1984, le pays a organisé un référendum sur le nucléaire, qui a vu une participation de 58 % et un résultat serré : 50,8 % des votants se sont prononcés pour le maintien du nucléaire, mais avec des conditions strictes, tandis que 49,2 % se sont prononcés pour l’abandon du nucléaire. En 1997, le pays a signé le protocole de Kyoto, qui l’a engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 6 % entre 2008 et 2012, par rapport au niveau de 1990. En 2011, le pays a été secoué par l’accident de Fukushima au Japon, qui a relancé le débat sur la sûreté et la pertinence du nucléaire.

Une évolution de l’opinion publique en faveur du nucléaire

Malgré ces décisions, les Pays-Bas ont connu ces dernières années une évolution de l’opinion publique en faveur du nucléaire. Selon un sondage réalisé par l’institut CBS en novembre 2023, 46 % des Néerlandais sont favorables à l’énergie nucléaire, contre 40 % en 2018 et 35 % en 2008. Les principaux arguments avancés par les partisans du nucléaire sont la réduction des émissions de CO2, la sécurité de l’approvisionnement énergétique et la compétitivité économique. À l’inverse, les principaux arguments des opposants au nucléaire sont les risques d’accidents, les déchets radioactifs et les coûts élevés.

Le sondage du CBS révèle également des différences selon l’âge, le sexe, le niveau d’éducation et l’orientation politique des sondés. Par exemple, les hommes sont plus favorables au nucléaire que les femmes (51 % contre 41 %), les jeunes sont plus favorables que les personnes âgées (52 % chez les 18-34 ans contre 39 % chez les 65 ans et plus), les personnes ayant un niveau d’éducation supérieur sont plus favorables que celles ayant un niveau d’éducation inférieur (50 % contre 42 %), et les partisans des partis de droite sont plus favorables que ceux des partis de gauche (58 % chez les électeurs du VVD contre 28 % chez ceux du GroenLinks).

Cette évolution de l’opinion publique reflète un changement de paradigme dans la stratégie énergétique des Pays-Bas. Le pays, qui est l’un des plus gros émetteurs de CO2 par habitant en Europe s’est fixé comme objectif de réduire ses émissions de 49 % d’ici 2030 et de 95 % d’ici 2050, par rapport au niveau de 1990. Pour atteindre ces objectifs, le pays a décidé de fermer progressivement ses centrales à charbon, qui représentent encore 25 % de sa production électrique, et de développer les énergies renouvelables, notamment l’éolien offshore. Cependant, le pays fait face à des défis pour intégrer ces sources d’énergie intermittentes et décentralisées dans son réseau électrique, et pour assurer la sécurité et la stabilité de son approvisionnement énergétique. C’est pourquoi le pays se tourne vers le nucléaire, qui offre une source d’énergie bas-carbone, fiable et compétitive.

Conclusion

Les Pays-Bas sont un pays en quête de nucléaire. Après avoir longtemps hésité sur cette source d’énergie, le pays a lancé un appel d’offres pour construire trois nouveaux réacteurs nucléaires, qui devraient être opérationnels en 2030. Cette décision s’inscrit dans le cadre de la transition énergétique du pays, qui vise à réduire ses émissions de gaz à effet de serre et à diversifier son mix énergétique. Le pays bénéficie également d’un soutien croissant de l’opinion publique en faveur du nucléaire, qui est perçu comme une solution pour lutter contre le changement climatique et garantir la sécurité énergétique. Le nucléaire est-il l’avenir des Pays-Bas ?

 

Sources :

  • https://www.huffpost.com/entry/netherlands-nuclear-energy_n_62aba4d2e4b04a61735a273a
  • https://world-nuclear.org/information-library/country-profiles/countries-g-n/netherlands.aspx
  • https://www.reuters.com/business/energy/netherlands-talking-three-suppliers-build-new-nuclear-power-plants-2023-06-29/
  • https://www.cbs.nl/en-gb/news/2023/48/more-dutch-citizens-in-favour-of-nuclear-energy