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Secteur Equipements et Solutions pour l'Agriculture et l'Agroalimentaire
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Face au changement climatique, l’Allemagne ne fait pas exception et en subit les effets. Comment le vignoble allemand est-il concerné, et quelles sont les solutions vers lesquelles les viticulteurs se tournent ?

Avec la hausse des températures, le printemps est plus précoce, donc le bourgeonnement et la fleuraison de la vigne s’avancent dans l’année, de près de 45 jours en 45 ans en Baden-Württemberg d’après une étude récente. Les raisins sont désormais matures avant la fin du mois de septembre, alors que dans les années 1960/70, les vendanges avaient lieu mi voire fin octobre. En 2023, à cause des conditions météorologiques et des risques de maladies, il a fallu vendanger de jour comme de nuit, sur une très courte période. Les viticulteurs réfléchissent à investir dans des systèmes de réfrigération pour conserver les raisins avant qu’ils ne soient pressés. Comme l’hiver arrive plus tardivement, la chute du feuillage est retardée. Les vignes peuvent alors stocker plus d’énergie et mieux se préparer à l’hiver.

Même si les températures s’adoucissent, le risque de gelées tardives s’accentue, c’est un véritable danger pour les jeunes pousses, les fleurs et les bourgeons, tout particulièrement pour les vignes situées en plaine et dans des cuvettes. Les vignerons recourent alors à diverses méthodes pour protéger leurs vignes. Traditionnellement, on les enduit de paraffine. A plus grande échelle les viticulteurs placent des fils ou des bougies chauffantes entre les rangs, et utilisent même des ventilateurs géants qui déplacent les masses d’air froid du sol afin de faire parvenir l’air chaud d’altitude aux vignes.

Au fil de l’été, ce sont les canicules prolongées et les périodes de sécheresse courtes, mais intenses qui menacent les vignes allemandes. Les besoins d’irrigation sont déterminés par de nombreux facteurs, comme la nature des sols, les températures, l’ensoleillement et les précipitations. L’arrosage est une mesure coûteuse, et le prélèvement de l’eau dans les nappes phréatiques pendant l’été reste un problème, car il conduit sur le long terme à une salinisation des sols. Toutefois, l’arrosage est un facteur déterminant pour garantir la bonne absorption des nutriments du sol par les vignes, ce qui motive l’installation de systèmes d’arrosage. Alternativement, il est conseillé de réduire le feuillage des vignes, de conserver la végétation entre les rangs ou recouvrir le sol d’une couche de matière organique (copeaux de bois, paille) afin d’y conserver l’humidité. Sur le long terme, il est recommandé aux viticulteurs allemands de resserrer les pieds de vigne car plus elles poussent densément, mieux les racines s’enfoncent dans le sol.  

Aux problèmes de stress hydrique s’ajoute la chaleur, qui nuit à la qualité des raisins. A partir de 35°C, le niveau d’alcool augmente, l’acidité baisse et les arômes changent. C’est un problème majeur pour le Riesling. Combinée à un fort ensoleillement, la chaleur conduit à des brûlures, qui assèchent les grappes et les rendent amères, ce qui cause des pertes importantes. Des pulvérisations d’argile à base de kaolin et de calcaire sont en cours d’expérimentation. Une couche de produit, pulvérisée à même les grappes permettrait de réduire les brûlures sur ces dernières en les protégeant des hautes températures. Par ailleurs, les vignerons allemands envisagent de reprendre les méthodes de leurs voisins bourguignons qui plantent des arbres fruitiers afin de faire de l’ombre sur les vignes.

Les épisodes météorologiques extrêmes de plus en plus fréquents sont un autre défi que doivent relever les vignerons. L’érosion est le principal dégât des fortes précipitations. Les vignobles, par leur exposition sud, le travail du sol et la pente sont déjà à risque. Avec l’augmentation des précipitations et de la sécheresse du sol, ce phénomène va être renforcé et la qualité des sols va en souffrir. La meilleure protection est de maintenir la couverture végétale du sol. Si ce n’est pas possible, il faut augmenter la quantité d’humus dans le sol, ce qui en améliore la stabilité.

Ces dernières années en Allemagne, les maladies et les nuisibles ont progressé. Les températures et les précipitations plus élevées bénéficient aux champignons. En Rhénanie Palatinat, les mois d’avril et de mai sont plus humides, le mildiou en profite. Les attaques d’oïdium vont aussi augmenter, car il se développe idéalement par un temps couvert et une température supérieure à 20°C. La douceur des hivers et les printemps chauds augmentent le risque d’infection. Les vignerons se tournent donc de plus en plus vers des cépages résistants appelés PIWI, qui couvrent aujourd’hui une surface de près de 3 000 ha et s’inscrivent dans une démarche de réduction des produits phytosanitaires. Il faut s’attendre à un essor de l’esca de la vigne car son développement est corrélé au stress hydrique, et à une recrudescence des infestations par la mouche à vinaigre du cerisier, drosophila suzukii, parce que les épisodes de gel que craint la mouche sont de plus en plus rares.

D’après le Deutsche Weininstitut, les vignobles allemands ressortent globalement gagnants du réchauffement climatique en comparaison avec les pays d’Europe du Sud. En trente ans, les températures ont augmenté de 1°C en moyenne, ce qui a permis aux raisins d’atteindre une meilleure maturité et une meilleure qualité, surtout pour la production de vin rouge.

Cependant, le réchauffement implique un déplacement des cépages adaptés à un climat plus frais vers le nord, comme le riesling, si cher aux Allemands. En effet, depuis 2020, on produit aussi du vin en Basse-Saxe. D’autres variétés venues du sud de l’Europe font leur entrée dans les vignobles allemands. Ces dix dernières années, la surface cultivée de sauvignon blanc a bondit de 162 %, celle de chardonnay de 83 %, celle de merlot de 59 %, et celle de cabernet sauvignon de 43 %. Ces cépages représentent désormais 2 % de la surface des vignobles allemands. La syrah, le cabernet franc et le tempranillo font aussi l’objet de premières expérimentations en Allemagne.

Il faut finalement garder en tête que l’adaptation des vignobles allemands au changement climatique ne va pas être une tâche aisée. Elle va se faire sur le temps long, car un pied de vigne dure environ 25 ans avant d’être renouvelé. D’autre part, les investissements nécessaires à l’adaptation, comme l’achat de systèmes d’irrigation et la plantation de nouveaux cépages, sont très coûteux et ne sont souvent envisageables que pour les grandes exploitations les plus rentables. Selon le deutsche Weininstitut, le modèle des grands vignobles est celui qui correspond le mieux aux défis du marché. Ainsi, le nombre d’exploitations de moins de 10 ha est en baisse continue depuis plusieurs années.

 

Sources: Bundesinformationszentrum Landwirtschaft, 14 mars 2023. www.klimawandel-rlp.de .  Marina Zapf, Capital, 6 septembre 2023.