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Secteur Mobilité et Logistique
Thématique Actualités du secteur
En Pologne, les initiatives visant à rendre le transport ferroviaire plus propre se multiplient. Touchant tant l’infrastructure que le matériel roulant, elles accompagnent une volonté plus large de développer ce mode de transport vu comme moins émetteur, mais ne vont pas sans débat sur les options à privilégier.

Le transport ferroviaire se « verdit »

Dans son projet de Plan national sur l’énergie et le climat 2021-30, transmis à la Commission européenne en décembre 2019, le gouvernement polonais s’est fixé l’objectif de réduire de 7% ses émissions de gaz à effet de serre issues des secteurs non-couverts par le système ETS par rapport au niveau de 2005 ainsi que d’atteindre une part de 14% d’énergies renouvelables dans la consommation d’énergie brute du secteur des transports d’ici 2030. Moins émetteur, le transport ferroviaire est vu comme une option importante pour atteindre les objectifs climatiques du pays et fait l’objet de nombreux investissements visant en particulier à développer son infrastructure (1789 km de nouvelles lignes prévues d’ici 2034 dans le cadre du projet de Port de communication central).

Néanmoins, au-delà de la reconnaissance du ferroviaire comme transport d’avenir, le débat touche plus précisément au moyen de le rendre en lui-même plus respectueux de l’environnement. La réflexion est menée en Pologne notamment par une initiative regroupant près de 70 entités, parmi lesquelles la société de distribution d’énergie pour le secteur ferroviaire PKP Energetyka, des transporteurs de passagers et de fret, des universités et structures de recherche ou encore le principal gestionnaire d’infrastructure polonais, la société PKP PLK. Appelé « Centre pour l’efficacité énergétique des chemins de fer », cette initiative a fixé l’objectif de réduire de 1,2 TWh la consommation d’énergie électrique du secteur ferroviaire entre 2020 et 2030, ce qui permettrait d’économiser 1 million de tonnes de CO2. Pour atteindre ce résultat, le centre mise sur trois filons, relayés par les projets de plusieurs entreprises ferroviaires. L’écoconduite tout d’abord, qui a par exemple récemment suscité l’intérêt des Chemins de fer de la région de Basse-Silésie. La récupération ensuite, mise en œuvre entre autres par le transporteur de passagers sur des longues distances PKP Intercity au travers de l’installation de compteurs d’électricité dans plus de 300 de ses trains (ces derniers permettent à la société d’être facturée sur la base de sa consommation réelle d’énergie). Les installations à base d’énergie renouvelable enfin, introduites dans des bâtiments de sociétés ferroviaires ou des équipements de l’infrastructure qu’elles gèrent. Selon l’Agence polonaise de presse, PKP Energetyka a par exemple le projet d’installer des panneaux solaires dans 500 de ses sous-stations ainsi que de développer des parcs éoliens et solaires.

Outre les initiatives citées ci-dessus, l’attention s’est également portée sur l’efficacité énergétique du patrimoine ferroviaire et la sensibilisation des clients du secteur. Dans le cadre d’un programme de rénovation de gares comprenant 189 investissements jusqu’en 2023, la société PKP S.A. développe des modèles de « Gares aux systèmes innovants », dans le cadre desquels des dispositifs pro-écologiques sont installés (récupération d’eaux de pluie utilisées pour les toilettes, installations de panneaux photovoltaïques, de pompes à chaleur, etc.). Sur la sensibilisation des clients, des sociétés avancent sur les solutions de « compensation écologique ». En coopération avec les Forêts nationales, le transporteur PKP Intercity a par exemple introduit la possibilité pour ses voyageurs de payer sur une base volontaire un supplément à leur billet, qui sera utilisé pour le financement de projets écologiques. Le transporteur de fret DB Cargo Polska envisage l’instauration de solutions similaires, et souhaite notamment proposer sur le marché polonais deux produits qui permettraient au client de commander un trajet réalisé à base d’énergie verte ou de compenser l’empreinte écologique du trajet commandé par une participation financière à des projets écologiques.

 

De l’infrastructure au matériel roulant

Deux derniers points concentrent le débat quant à l’enjeu écologique dans les chemins de fer polonais. Pour le réseau électrifié, soit 12 017 km de lignes exploitées en Pologne en 2019, la question est celle des sources d’alimentation du réseau de caténaire. Comme rappelé dans un article publié sur le site Biznes Alert en octobre 2020, « actuellement 90% des trajets ferroviaires de passagers et de fret ont lieu à l’aide d’une traction électrique, mais pour 91% d’entre eux cette dernière est alimentée par des sources conventionnelles ». Certains transporteurs de fret, en coopération avec PKP Energetyka, ont fait un pas en direction d’une alimentation plus propre de leurs trajets. PKP Cargo, chargé de la partie fret pour le groupe des Chemins de fer polonais, a ainsi signé avec PKP Energetyka une lettre d’intention en octobre 2020 pour une coopération visant à ce que les trajets réalisés par PKP Cargo soient alimentés par une électricité propre. En février 2021, une lettre d’intention dans le même but a été signée entre PKP Energetyka et DB Cargo Polska, avec un objectif de 100% d’énergie verte alimentant les trajets du transporteur d’ici janvier 2023.

Concernant le réseau non-électrifié, 7 486 km de lignes exploitées en 2019, les discussions se concentrent sur deux principales alternatives, à savoir les véhicules hydrogènes et les hybrides. Parmi les partisans de l’hydrogène, on compte notamment le producteur PESA ou encore l’Atelier de production de matériel roulant Cegielski. Les deux producteurs s’accordent avec les orientations du gouvernement, qui a inscrit le développement de véhicules ferroviaires hydrogènes dans son projet de « Stratégie polonaise de l’hydrogène jusqu’en 2030 (avec pour horizon 2040) ». De l’autre côté, certains acteurs notamment le fabricant Newag, prônent les véhicules hybrides et l’hybridation des moteurs diesel comme une alternative plus viable en particulier dans le court et moyen termes.  

 

L’accessibilité du transport ferroviaire en question

Si le transport ferroviaire peut servir aux objectifs climatiques du pays, une précondition reste son accessibilité, en particulier aux petites villes. En effet, comme le souligne l’Institut Kazimierz Promyk dans son rapport Le Green Deal européen, chances et défis pour le secteur des transports polonais, « le processus de liquidation régulière des lignes ferroviaires, qui dure depuis le début des années 1990, [a conduit] à la fermeture et à la liquidation de plus de 5 000 km de lignes jusqu’en 2015. Au total, à la suite de la liquidation du réseau ferroviaire après 1946, 107 villes et 245 communes ont perdu leurs services ferroviaires ». L’Institut recommande « d’utiliser les ressources financières additionnelles dans le cadre du Green Deal européen pour l’amélioration de la capacité et la modernisation du réseau ferroviaire ainsi que l’achat de nouveau matériel roulant ». Concernant l’accessibilité du transport ferroviaire, le programme Kolej + jusqu’en 2028 est actuellement mené en la matière. D’un budget d’environ 1,4 milliard d’euros, ce dernier vise à encourager les investissements des collectivités locales dans l’infrastructure ferroviaire locale (nouvelles sections, revitalisation de sections existantes et réhabilitation de liaisons supprimées).

 

Sources :