Date de publication :

Secteur Transition écologique
Pays concerné
Hongrie
Thématique
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La Hongrie, confrontée à des enjeux croissants en matière de sécurité énergétique et de demande électrique, poursuit une stratégie ambitieuse visant à renforcer son indépendance énergétique tout en répondant à ses objectifs climatiques. Deux projets majeurs illustrent cette politique : le développement du projet nucléaire Paks II, financé par la Russie, et la diversification de l’approvisionnement en combustible pour ses réacteurs existants grâce à un partenariat avec Framatome. Ces initiatives, bien que cruciales pour l’avenir énergétique du pays, s’inscrivent dans un contexte géopolitique et économique complexe, marqué par les tensions entre la Hongrie, l’Union européenne et la Russie.


Le projet Paks II, lancé en 2014, est destiné à doubler la capacité de production de la centrale nucléaire de Paks, située à environ 100 km au sud de Budapest. Cette centrale, qui fonctionne depuis les années 1980 avec quatre réacteurs VVER-440, joue un rôle stratégique dans le mix
énergétique hongrois. Elle assure actuellement 50 % de l’électricité nationale, contribuant ainsi à maintenir des prix relativement stables pour les ménages et les entreprises. Avec Paks II, le gouvernement hongrois ambitionne d’ajouter deux nouveaux réacteurs d’une capacité de 1200 MW chacun, en partenariat avec Rosatom, géant russe du nucléaire. Cette expansion vise non seulement à garantir un approvisionnement stable en électricité pour les décennies à venir, mais aussi à réduire la dépendance de la Hongrie aux importations de gaz naturel, qui représentent une part importante de sa consommation énergétique.

Cependant, ce projet rencontre des défis considérables depuis son lancement. Les coûts initiaux, estimés à environ 12,5 Mds EUR ont dû être réévalués à la hausse en raison de plusieurs facteurs. D’une part, l’inflation mondiale a significativement augmenté les prix des matériaux de construction, des équipements et des technologies nécessaires à un tel chantier. D’autre part, la guerre en Ukraine et les sanctions imposées à la Russie ont compliqué la logistique et l’approvisionnement en composants critiques, perturbant le calendrier initial. Par ailleurs, les nouvelles normes de sécurité imposées par les régulateurs européens nécessitent des modifications techniques substantielles, ce qui a alourdi la facture. Ces éléments ont conduit le gouvernement
hongrois à soumettre au Parlement un projet de loi pour réviser à la hausse le budget alloué à Paks II.


Depuis son annonce, Paks II a également été ralenti par des retards liés aux processus réglementaires et aux négociations géopolitiques. Les études d’impact environnemental ont pris plus de temps que prévu, tout comme les discussions avec la Commission européenne, soucieuse de garantir que le projet respecte les normes de concurrence et les objectifs climatiques de l’UE. Par ailleurs, le choix de Rosatom comme partenaire exclusif, sans appel d’offres, a suscité des critiques de la part de certains États membres de l’UE, inquiets des implications géopolitiques de cette coopération renforcée avec la Russie. Cette dépendance accrue à Moscou, en échange d’un financement de 10 Mds EUR pour le projet, place la Hongrie dans une position ambivalente. D’un côté, Budapest met en avant la nécessité stratégique de ce partenariat pour garantir sa sécurité énergétique. De l’autre, elle s’expose à des tensions avec Bruxelles, où la réduction de la dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie est une priorité depuis l’invasion de l’Ukraine.

Parallèlement à Paks II, la Hongrie a entrepris un autre projet clé pour diversifier son approvisionnement en combustible nucléaire. La centrale actuelle de Paks, bien qu’efficace et stable, repose entièrement sur des combustibles fournis par des entreprises russes, notamment TVEL, filiale de Rosatom. Pour réduire cette dépendance, le gouvernement hongrois a signé un contrat stratégique avec Framatome, une entreprise française leader dans la production de combustibles nucléaires. Ce contrat, qui entrera en vigueur à partir de 2027, marque une étape importante dans la diversification énergétique de la Hongrie.

Avec plus de 65 ans d’expérience dans le secteur nucléaire, Framatome propose une approche en deux étapes pour répondre aux besoins des réacteurs VVER de la centrale Paks. Dans un premier temps, l’entreprise fournira un combustible identique à celui actuellement utilisé, afin de garantir une
transition sans interruption. À moyen terme, Framatome développera un nouveau combustible entièrement européen, conçu et fabriqué selon des standards souverains. Cette solution innovante permettra non seulement de renforcer la sécurité énergétique de la Hongrie, mais aussi de réduire les
risques géopolitiques liés à la dépendance aux fournisseurs russes. Cette transition, soutenue par le ministère hongrois de l’Énergie, reflète une volonté d’équilibrer les relations avec la Russie et l’Europe dans le domaine nucléaire. Ce partenariat avec Framatome s’inscrit dans une stratégie plus large de l’Union européenne visant à diversifier les sources d’approvisionnement en combustible pour les réacteurs VVER, qui sont largement utilisés dans plusieurs pays européens, dont la Finlande, la Slovaquie, la République tchèque et la Bulgarie. Au total, 19 réacteurs de ce type sont en service dans l’UE.

La Hongrie, avec quatre réacteurs VVER-440 en fonctionnement, occupe une place centrale dans cette transition. Malgré les ambitions affichées, ces deux projets soulèvent des interrogations quant à leur viabilité à long terme. Pour Paks II, les retards accumulés et les dépassements budgétaires risquent de peser lourdement sur les finances publiques hongroises. Bien que le projet soit censé offrir une énergie compétitive et stable à long terme, les contraintes financières et techniques actuelles en diminuent les bénéfices potentiels. Quant au contrat avec Framatome, bien qu’il soit un pas vers une plus grande souveraineté énergétique, sa mise en œuvre nécessitera des investissements supplémentaires pour adapter les réacteurs VVER à ce nouveau type de combustible.

La Hongrie poursuit donc avec détermination une politique nucléaire audacieuse qui reflète ses priorités nationales en matière de sécurité énergétique et de compétitivité économique. Paks II, avec son partenariat stratégique avec la Russie, et le contrat avec Framatome, qui s’inscrit dans une dynamique européenne, témoignent de cette double approche. Cependant, ces choix placent Budapest dans une position délicate, tiraillée entre les objectifs nationaux et les pressions géopolitiques. La réussite de ces initiatives dépendra de la capacité du gouvernement hongrois à surmonter les défis techniques, à gérer les tensions diplomatiques et à maintenir la viabilité économique de ses projets. À terme, ces efforts pourraient consolider le rôle de la Hongrie comme acteur clé dans le paysage énergétique européen, tout en garantissant une énergie abordable et durable pour ses citoyens.


Source : Nouvelle Gazette de Hongrie du 28 octobre 2024