Avant la création de Zulijian, il n’y avait presque pas de marques de « chaussures pour personnes âgées » sur le marché chinois. Pourquoi avez-vous lancé ce segment inédit sur ce marché ?

Zhang Jingkang (Z.J.) :

Lors de la création de notre entreprise, nous avons identifié deux tendances essentielles : l'une concerne les individus et l'autre, l'avenir. À cette époque, nos réflexions étaient les suivantes : d'abord, il est indéniable qu'une entreprise repose sur les personnes ; ensuite, la population vieillissante est un phénomène qui ne fera que croître. Ainsi, nous avons décidé de cibler les personnes âgées comme principaux utilisateurs de notre produit.

Après des recherches approfondies, nous avons réalisé qu'il y avait une forte demande pour des chaussures adaptées aux seniors. C'est pourquoi nous avons choisi de développer une gamme spécifique de chaussures professionnelles pour cette tranche d'âge.

Nous avons constaté que le marché des chaussures pour personnes âgées était largement négligé, probablement parce que de nombreux entrepreneurs se concentraient davantage sur les techniques de vente que sur le développement de catégories et de marques. Dès 2012, nous avons compris que la construction d'une marque doit s'appuyer sur une catégorie bien définie. En l'absence de cette catégorie, il devient difficile de bâtir une marque solide. Une catégorie efficace doit être claire et directive, répondant à des questions fondamentales comme : « qui êtes-vous et que proposez-vous ? ». En réalité, une fois que vous commencez à y réfléchir, l’action devient presque évidente.

Après que Zulijian a confirmé que les chaussures pour personnes âgées peuvent devenir un marché à grande échelle, d'autres sont entrés sur le marché les uns après les autres. Qu’en pensez-vous ?

C’est normal. L’industrie du vieillissement est une grande industrie, et le pays y attache maintenant une grande importance, et j’espère que tout le monde pourra travailler ensemble pour développer cette industrie.

Actuellement, la part de marché de votre entreprise est largement supérieure à celle de nombreux concurrents, frôlant même un monopole. Qu'est-ce qui, selon vous, explique l'absence de marques reconnues dans le secteur des chaussures pour seniors ?

Tout d’abord, de nombreuses marques pensent que les consommateurs ne sont pas disposés à admettre qu’ils sont vieux, ils ne veulent donc pas se positionner comme des « produits pour les personnes âgées ». Mais cela ne peut pas être changé, si le positionnement du produit n’est pas clair, il est difficile pour les consommateurs de reconnaître la marque.

Deuxièmement, certaines marques espèrent s’enrichir du jour au lendemain et veulent rendre les produits plus chers, mais pour les chaussures pour personnes âgées, 399 RMB est déjà un prix difficile à franchir. À l’heure actuelle, la gamme de prix des produits de base est de 199 à 299 RMB, bien que nous ayons également des produits de 399 yuans, mais cela ne représente que 10 % à 20 % des ventes totales.

Troisièmement, certaines marques veulent vendre moins cher que Zulijian, mais la poursuite de prix trop bas entraînera une qualité qui ne suivra pas. Zulijian a investi 1 milliard de RMB dans le comté de Sui pour établir une usine avec toute la chaîne industrielle pour garantir le traitement de la tige, de la semelle, de la semelle intérieure, des accessoires, de l’assemblage, de toute la production indépendante. Désormais, la plupart des marques choisissent la production OEM mais le coût est au moins 30 % plus élevé que le nôtre. Sur cette base, il est en fait très difficile pour eux de maintenir des prix bas et de surpasser nos paires de chaussure. De plus, il n’y a effectivement pas beaucoup de gens qui osent dépenser 1 milliard de yuans pour construire une usine.

La production OEM pour les biens de consommation est assez répandue. Pourquoi investir une telle somme d'argent et construire des usines, alors que cela comporte des risques ?

Le principal défi auquel font face les entreprises de chaussures est en réalité la gestion des « stocks élevés ». Pour y remédier, nous avons décidé de créer nos propres usines.

Lorsque nous avons démarré, notre compréhension des enjeux de l’industrie était limitée, et nous avons commis quelques erreurs. Par exemple, après le succès d'un produit, nous avons passé une commande de 12 millions de paires. Cependant, en raison du long processus de production et de livraison, nous avons raté la meilleure opportunité de lancement, ce qui a entraîné un excès de stocks considérable. Plus tard, en visitant le Japon, j'ai observé que Toyota prenait seulement 60 minutes pour transformer une plaque de métal en voiture. Je me suis dit que faire des chaussures devait être plus simple que de construire des voitures. Pourquoi ne pas alors construire notre propre usine et produire nos chaussures de manière aussi efficace ?

Une fois notre usine opérationnelle, nous avons optimisé l'ensemble de notre chaîne de production. Aujourd'hui, il ne faut que 7 jours pour rassembler les matériaux et se préparer à la production, et seulement 2 heures pour fabriquer une paire de chaussures. Nous avons pratiquement atteint un inventaire de produits finis proche de zéro, avec des matériaux ayant un stock d'environ 3 jours.

Cette usine auto-construite ne résout pas seulement le problème d'inventaire et d'efficacité, mais elle garantit également la qualité de nos produits. Auparavant, j'avais remarqué que certaines usines de semelles de chaussures ajoutaient des matériaux recyclés, ce qui compromettait la durabilité et la forme des semelles. Pour assurer la qualité, nous avons décidé de gérer cette production nous-mêmes en investissant dans nos propres recherches.

Est-ce un a priori de croire que le marché considère que les personnes âgées n'ont ni la volonté ni la capacité de consommer ?

C'est très certainement un apriori. Les personnes âgées ne consomment pas moins, mais elles adoptent une approche plus rationnelle dans leurs choix. Pour concevoir des produits destinés aux seniors, il est essentiel de se concentrer sur leurs véritables besoins. Tenter d'attirer cette tranche d'âge avec des concepts qui séduisent les jeunes, en visant leurs « besoins superficiels », n'est pas une stratégie viable.

Quel est le produit parfait selon vous ?

Tout est une question de coût. Chaque produit doit répondre aux besoins de l'utilisateur, résoudre ses problèmes et s'aligner sur sa perception. Je préfère donc mettre en avant les points clés, les ventes n’étants que les conséquences de la bonne compréhension du besoin.

Par exemple, pour les personnes âgées, le principal enjeu en hiver est de rester au chaud, et la laine est perçue comme le matériau le plus chaud. Ainsi, Zulijian a lancé une chaussure en laine qui met en avant ce matériau. Nous n'avons pas besoin de trop argumenter sur ce produit ; il séduira naturellement les consommateurs. Bien qu'il existe de nombreux matériaux high-techs capables de conserver la chaleur et de rendre les chaussures plus légères, le coût d'explication est trop élevé et l'efficacité de la transmission est trop faible.

Les personnes de plus de 40, 50 et 60 ans ont des préférences en matière de couleurs qui sont souvent unies et discrètes. Par exemple, nos chaussures pour hommes sont disponibles en noir, bleu, gris foncé et gris clair, tandis que celles pour femmes sont proposées en rouge, violet et noir. Bien que nous ayons expérimenté avec des couleurs innovantes, les résultats n'ont pas été concluants. Je pense donc que l'esthétique est relative ; les utilisateurs ont des goûts variés, et nos produits répondent aux besoins de 80 % des personnes âgées.

Zulijian, entreprise leader du secteur, contribuera à l'élaboration de la norme nationale pour les chaussures destinées aux personnes âgées. Cela mettra un terme à l'absence de normes dans l'industrie et favorisera un développement de haute qualité. Quel est l'impact de la normalisation sur l'industrie de la chaussure pour les seniors ?

Cela signifie assurément que l'industrie se standardise. Dès 2018, j'ai plaidé pour promouvoir la normalisation du secteur, car à l'époque, de nombreux produits se revendiquaient comme des « chaussures pour les personnes âgées » sans raison valable. La standardisation couvre non seulement le processus de production, mais aussi le choix des matériaux, le design, l'apparence et l'emballage. Établir des normes d'entreprise constitue la première étape vers des normes industrielles. Ce n'est qu'en mettant en place des normes d'entreprise solides que nous pourrons développer des normes de groupe et, in fine, des normes nationales. Dans ce processus de normalisation, Zulijian s'appuie non seulement sur ses ressources internes, mais collabore également activement avec des institutions de recherche et des experts du secteur pour garantir que les normes soient scientifiques et tournées vers l'avenir. De la création de chaussures professionnelles pour les seniors à l'élaboration de normes nationales, je ressens une grande fierté.

Comment voyez-vous le potentiel de marché et le développement de la Silver economy ?

Du point de vue des consommateurs, l'évolution de la silver économie peut être analysée à deux niveaux : les personnes de moins de 75 ans se concentrent davantage sur les biens de consommation, tandis que celles de plus de 75 ans privilégient les services. À l'avenir, je pense que le cœur de cible pour les personnes âgées devrait être les commerces de proximité, car leurs activités quotidiennes sont principalement limitées à leur voisinage. Bien qu'il existe des seniors qui se rendent dans les quartiers d'affaires du centre-ville, il est important de ne pas se focaliser sur les 10 ou 20 % de ces cas, mais plutôt de considérer ce que font les 80 %.

Selon vous, quelles sont les qualités et les capacités qu’un entrepreneur devrait avoir pour réussir ?

Tout d'abord, il est essentiel d'avoir un sens de la responsabilité sociale et de ne pas se concentrer uniquement sur soi-même. Ensuite, il faut être pragmatique, en se consacrant à des actions concrètes et en faisant ce qui est nécessaire. Il existe une règle tacite selon laquelle nous ne devons rien faire qui ne crée pas de valeur pour les utilisateurs. Dans notre entreprise, il n'y a pas de bureaux, car nous croyons que les bureaux ne génèrent pas de valeur pour nos clients. Au lieu d'investir 50 ou 100 millions dans un immeuble de bureaux, il est plus judicieux d'offrir un coupon de 50 yuans aux consommateurs.

En ce qui concerne les compétences, je pense que les entrepreneurs doivent avoir une importante capacitée d'apprentissage et ne pas croire qu'ils n'ont plus besoin d'apprendre en vieillissant. De plus, il est crucial d'avoir de bonnes compétences en gestion, en se concentrant sur les produits, le trafic et le contenu, tout en laissant les équipes gérer leurs opérations. Je n'interviens jamais dans la gestion interne des différents départements ; ils doivent établir et améliorer leurs systèmes par eux-mêmes, tandis que je me concentre sur ce qui peut réellement apporter de la valeur aux utilisateurs. Si vous ne considérez pas vos utilisateurs comme vos proches, alors vous commettez une erreur. Par exemple, nous avons mis en place un service qui permet de remplacer des vieilles chaussures par des neuves dans un délai d'un an, ainsi qu'un service de lavage de chaussures gratuit et de l'aide pour mettre et enlever les chaussures pour les personnes âgées. Nous avons également instauré l'initiative « verre d’eau de bienvenue », une petite attention qui a boosté nos performances de 30 %. Combien de magasins de chaussures, en Chine et dans le monde, offrent un verre d'eau aux consommateurs ?

Pour réussir dans ce secteur, surtout auprès des personnes âgées, il faut faire preuve de patience, avancer étape par étape, garder les consommateurs à l'esprit, et considérer que le profit n'est qu'un aspect secondaire.

Source: Sina Finance, 25/07/2024 - "对话足力健创始人张京康" ("Dialogue avec Zhang Jingkang, fondateur de Zulijian")