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La législation interdira également les recharges gratuites pour les sodas. Ce nouveau programme, appelé « Restricting promotions of products high in fat, sugar and salt by location and by price” [i.e Restriction des promotions sur les produits riches en matières grasses, en sucre et en sel par emplacement et par prix] entrera en vigueur en avril 2022.
En 2019, près de 29% des adultes du Royaume-Uni étaient considérés comme obèses et 35% supplémentaires étaient en surpoids. Parmi les enfants âgés de 10 à 11 ans, 20% étaient obèses et 14% étaient en surpoids. Une étude britannique datant de 2015 sur les promotions prix sur les aliments et boissons sucrés a révélé que les aliments et les boissons riches en sucre sont plus susceptibles d'être vendus que les aliments plus sains, et que des prix réduits encouragent les consommateurs à acheter davantage de ces produits qu'ils ne le feraient normalement. La restriction des ventes promotionnelles a ainsi pour but de décourager les consommateurs à acheter et consommer des aliments malsains et de contribuer ainsi à réduire les taux d'obésité.
Les aliments HFSS sont définis comme des aliments avec un score de quatre points ou plus et des boissons avec un score d’un ou plus dans le modèle de profil nutritionnel 2004-2005 du Royaume-Uni, développé par la Food Standards Agency (FSA) et utilisé en tant qu'outil pour aider l'Ofcom (l'autorité régulatrice des télécommunications) à différencier les aliments et à améliorer le contenu de la publicité télévisée destinée aux enfants. Ces aliments incluent les boissons gazeuses, les boissons avec sucres ajoutés, les gâteaux, les bonbons, les céréales, les pâtisseries, la crème glacée, la pizza, les frites et les plats préparés. Quand la nouvelle législation sera entrée en vigueur, ces aliments HFSS ne pourront plus être placés dans les espaces promotionnels « premium » tels que les allées de caisse, les extrémités des allées des magasins ou l'entrée des magasins. De même, les sites d'achat en ligne ne pourront plus faire de publicité pour les aliments HFSS sur leur page d'accueil ou sur les pages où les clients consultent leur panier en ligne avant de payer.
Selon les données du gouvernement, l'interdiction de la publicité en ligne réduirait l'apport calorique d'un enfant de 2,84 calories par jour, ce qui équivaut à environ les deux tiers d'un Smartie ou à de la marche pendant 25 secondes. Cependant, selon Stephen Woodford, directeur de l’Advertising Association (une association professionnelle qui promeut le rôle, les droits et les responsabilités de la publicité), les interdictions générales de publicité n’influenceront pas l'obésité infantile. Les règles sur les publicités HFSS au Royaume-Uni sont déjà parmi les plus strictes au monde et empêchent ces publicités d'être ciblées sur les jeunes de moins de 16 ans dans tous les médias. Selon Mr Woodford, l'interdiction aurait des conséquences économiques considérables et dommageables pour les entreprises et un impact négatif important sur la concurrence en réduisant les voies d'accès au marché et les moyens d'atteindre les consommateurs, les fabricants internationaux étant moins incités à innover et à reformuler les produits. Il ajoute de plus que l'industrie de la publicité soutient depuis longtemps des initiatives fructueuses telles que The Daily Mile, qui encourage les enfants à marcher, faire du jogging ou courir un kilomètre par jour à l'école, et la campagne Eat Them To Defeat Them pour encourager les enfants à manger plus de légumes. Il estime que ce serait une erreur de saccager le succès de deux pierres angulaires de l’économie - la publicité et la fabrication d'aliments et de boissons - au nom d'une politique gouvernementale qu’il juge « inefficace ».
En réflexion depuis 2018, le gouvernement a annoncé en juillet 2020 son intention de présenter un projet de loi et a par la suite ouvert, le 28 décembre 2020, une période de consultation de huit semaines au cours de laquelle il a récolté l'avis des entreprises et des organismes d'application de la loi sur la mise en œuvre de cette loi. Cependant, avec l’arrivée du Brexit, les choses semblent se compliquer et les manifestations contre le projet sont nombreuses. Les géants de l’agroalimentaire ont averti le gouvernement que ce programme risquait de ruiner les accords commerciaux post-Brexit pour les entreprises cherchant à saisir des opportunités. Tim Rycroft, COO de la Food and Drink Federation (FDF) craint en effet que les entreprises touchées par ces restrictions aient moins de capacité et de volonté à dépenser de l'argent pour innover et investir au Royaume-Uni si on ne leur donne pas la liberté de commercialiser ces produits avec succès. Allant plus loin, il émet aussi des craintes sur la réputation de la Grande-Bretagne au niveau mondial depuis sa sortie de l’UE, et souhaite s’assurer que les fabricants de produits alimentaires puissent continuer à innover, pour offrir aux consommateurs du Royaume-Uni et du monde entier un vaste choix de produits sûrs, durables et nutritifs. Ce projet de loi pourrait avoir des conséquences énormes sur les revenus promotionnels de l'industrie et pourrait coûter entre 1 milliard de livres sterling par an, selon les propres estimations du gouvernement, et 3 milliards de livres sterling par an, selon un rapport de l'IRI.
La pilule est dure à avaler pour l’industrie qui s'est vu accorder un délai beaucoup plus court pour la mise en œuvre des changements que pour d'autres propositions beaucoup moins structurelles, notamment concernant l’étiquetage des calories sur tous les produits destinés au circuit de vente hors domicile, la taxe sur les boissons sans alcool et la loi Natasha (étiquetage des allergènes alimentaires). Le gouvernement s'attend en effet à ce que les supermarchés - et des milliers d'autres commerces de plus de 185m2 - introduisent d'énormes changements dans la disposition des magasins en rénovant les extrémités des allées, les caisses et les devantures de magasins d’ici quelques mois. Le British Retail Consortium (BRC) a demandé au gouvernement de repenser le calendrier, avertissant qu'il serait impossible pour les supermarchés de mener à bien le travail de reconfiguration des magasins et d'adapter les sites internet pour respecter les nouvelles interdictions, notamment en raison de l'impact de la pandémie de Covid. L’industrie estime avoir besoin d'au moins 18 mois pour s’adapter à partir du moment où les règlements seront confirmés et les directives publiées. Les groupes de militants, ont eux accusé l'industrie d'essayer de retarder le programme, estimant qu’ils auraient dû commencer à se préparer depuis deux ans, lorsque le programme avait été mentionné pour la première fois. Le gouvernement, prêt à injecter des milliards dans l'économie, y compris dans le secteur alimentaire, a reconnu que la crise nationale actuelle devait avoir la priorité avant que la vie puisse revenir à la normale. Pourtant, il met en exécution une politique qui représente un énorme bouleversement pour le modèle commercial des commerces alimentaires qui luttent toujours pour nourrir le pays. L’industrie ne demande cependant pas au gouvernement d'abandonner complètement ses plans mais ce dernier devrait - comme le permet la consultation - chercher à les affiner et travailler main dans la main avec eux pour s'assurer qu'ils sont unis. La FDF exhorte également Westminster à suivre le modèle écossais, qui a fourni un soutien financier pour aider les entreprises à reformuler leurs produits.
Pour les fabricants, reformuler les produits de manière plus saine n’est pas la bonne réponse, ces produits contenant en général beaucoup de matières grasses, de sucre et de sel. Le problème principal est que réduire le sucre, les graisses et le sel n’est pas facile si l’on souhaite que les produits obtenus conservent le goût, la texture et la durée de conservation souhaités, et les consommateurs ne semblent pas prêts à faire de compromis sur le goût. Effectivement, il est aujourd’hui relativement facile de remplacer le goût sucré du sucre par des édulcorants, cependant, les défis techniques résident dans le fait que le sucre est un ingrédient hautement fonctionnel permettant de créer un volume, une viscosité, une sensation en bouche, une structure, une couleur, un arôme, une conservation et une texture spécifique dans le produit fini. La réduction des graisses présente également ses propres défis car, comme le sucre, elle possède plusieurs fonctionnalités majeures dans les produits de boulangerie. Réduire à la fois les graisses et le sucre est incontestablement un vrai défi car souvent les graisses ou les sucres sont interchangeables - réduire l'un peut signifier devoir augmenter l'autre. Il faut aussi prendre en compte que souvent, la réduction des matières grasses et du sucre dans les produits, entraîne une augmentation des coûts car les ingrédients de remplacement sont plus chers.
Du côté des consommateurs, on note une crainte très ancrée d’une augmentation du panier moyen. Près des trois quarts des Britanniques achètent généralement des produits en promotion et un quart craignent que les achats deviennent inabordables si les offres promotionnelles sont interdites, les promotions étant un moyen important d'économiser de l'argent sur les dépenses alimentaires. La FDF a mis en évidence qu'une interdiction des promotions ajouterait 600£ par an aux coûts d'achat moyens des Britanniques et exhorte le gouvernement à tenir compte de ces conclusions et à réfléchir à l'impact que cela pourrait avoir pour les acheteurs pendant une période économique extrêmement difficile.
La stratégie du gouvernement contre l’obésité fait face à un nouveau bouleversement majeur après l’annonce par le gouvernement d’un nouveau Bureau de promotion de la santé, qui chercherait à mener un «changement radical dans la politique de santé publique», y compris des actions pour lutter contre l'obésité et promouvoir l'activité physique. Ce changement laisse de nombreuses questions en suspens sur le programme de reformulation de l'industrie, y compris les programmes inachevés de PHE pour essayer de réduire le sucre, le sel et les calories, ainsi que les interdictions imminentes de la publicité de la malbouffe et des promotions HFSS.
Tout en accordant la priorité à la lutte contre l'obésité en raison de son lien en tant que facteur de risque clé de la pandémie de coronavirus, le gouvernement a également suggéré de placer des « modes de vie sains » au centre de sa stratégie, plutôt que de fixer des objectifs.
Sources : Ian Quinn, 28 janvier 2021, 8 février 2021, 10 mars 2021 & 29 mars 2021, The Grocer - Stephen Woodford pour Advertising Association, 5 février 2021 The Grocer – Amy North, 1er mars 2021, Bakeryinfo