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1- Un no-deal en provenance de l'UE
Les éléments mis en avant par l'institution européenne sont que le rachat d'Air Transat aurait consolidé la prédominance d'Air Canada et n'aurait pas été dans l'intérêt général des clients européens. En effet, bien que ce rachat était vu comme un levier de reprise post-COVID sur le marché des vols de loisir et donc comme une (rare) opportunité de booster ce secteur à un moment critique, il pourrait conduire à une hausse des tarifs pratiqués de par le manque de concurrence et donc à une réduction des choix possibles pour les clients européens selon l'European competition council. Ainsi, bien que les autorités canadiennes souhaitaient avancer sur cette offre, l'Union européenne clôtura cette possibilité de rachat en indiquant que l'industrie devrait rester dynamique et compétitive en sortie de crise.
Ce no-deal de la part de l'UE avait déjà été sous-entendu par Bruxelles et Air Canada avait travaillé à apporter des éléments de confiance pour pallier à ces craintes. Ces preuves n'ayant pas convaincues Bruxelles, Air Canada a déclaré que le "faisabilité économique du projet ne pourrait pas être atteintes" avec les exigences européennes et que le rachat n'aurait donc pas lieu.
Ainsi, c'est la fin d'un rachat potentiel, estimé à presque 200M CAD, qui annonce désormais l'arrivée de nombreux problèmes pour Air Transat qui avait principalement travaillé en interne, via une nouvelle stratégie, pour cette offre.
2- L'impact du no-deal pour ces compagnies aériennes
- Air Transat
Pour Air Transat, avec l'annonce du no-deal, ceux ne sont pas de beaux jours qui sont à venir pour la compagnie. En effet, Air Transat a eu presque 500M CAD de pertes en 2020 et a annoncé une baisse de 94% de ses revenus avec 60M CAD de perte pour Q1 2021. La compagnie a du faire fasse à des dépenses importantes durant la crise avec aucun signe de reprise, notamment à cause des restrictions draconiennes imposées par le gouvernement canadien qui ne permettaient aucun vol. Par ailleurs, la compagnie a du se séparer de 85% de ses effectifs depuis le début de la crise. Seul point positif du no-deal, Air Canada a accepté de verser 12,5M CAD à Air Transat afin de mettre un terme à la transaction.
Avec ce chapitre qui se clôt, Air Transat repart à la recherche des 500M CAD de financement nécessaires pour 2021 et c'est peut-être bien un ancien intéressé qui pourrait devenir le Sauveur tant attendu. En effet, bien que la majorité des anciens potentiels investisseurs se soient rétractés, seul M. Pierre Karl Péladeau avait rappelé que son offre, faite en décembre 2020, était toujours sur la table.
Malheureusement pour Air Transat, le 14 mai, c'est avec surprise que la compagnie aérienne apprend que cette offre n'est plus valable suite à un désaccord avec l'actionnaire principal de la compagnie, Letko, Brosseau & Associates Inc., et M. Péladeau, sur l'évaluation de la valorisation de la compagnie. M. Péladeau avait proposé 5 CAD de l'action, montant insuffisant selon Letko, bloquant ainsi toute validation potentielle d'une nouvelle offre.
- Air Canada
Pour Air Canada, de son côté, reste en bien meilleure posture et les frais de dédommagement ne devraient pas freiner la reprise attendue avec l'avancée de la campagne de vaccination et le soutien du gouvernement à venir. Par ailleurs, cette confiance en Air Canada est bien réelle puisque l'action de la compagnie a quasiment doublé entre octobre 2020 et avril 2021, résultat de la gestion disciplinée qui a été opérée en interne face à la crise.
Maintenant que les idées ne sont plus à l'acquisition d'Air Transat, Air Canada devrait réorienter ses plans de croissance en interne en continuant ses réformes organisationnelles et ainsi gagner en efficacité. La reprise est dans tous les esprits et elle se fait cruellement attendre après 2020 qui a vu passer des pertes exceptionnelles de 4,65Mds CAD et plus de 22 800 suppressions d'emplois.
3- Un soutien, tardif, du gouvernement
C'est finalement courant avril que le gouvernement a annoncé son plan de soutien au secteur aéronautique et aéroportuaire. Celui-ci inclut de nombreux prêts garantis par l'Etat ainsi que des subventions. Les aéroports canadiens pourront donc compter sur l'Airport Critical Infrastructure Program (ACIP) qui est doté de 490M CAD, du Airport Relief Fund (65M CAD) ou bien d'une rallonge sur deux ans de 186M CAD pour l'Aiports Capital Assistance Program.
Par ailleurs, Air Canada bénéficiera de près de 5,9Mds CAD d'aides, notamment via le Large Employer Emergency Financing Facility (LEEFF). Ces aides ne viennent pas sans demandes de la part d'Ottawa puisqu'Air Canada devra rembourser tous les clients qui font en font la demande ainsi que reprendre la desserte de la quasi-totalité des destinations régionales. En plus des crédits accordés par le gouvernement, celui-ci a également décidé de participer à hauteur de 6% au capital d'Air Canada via le rachat de 500M CAD d'actions (23,1793 CAD l'action).
A noter que ce plan s’ajoute aux 6,8Mds CAD de liquidités qu’Air Canada a dû dégager pour traverser la pandémie.
De son côté, Air Transat a pu sécuriser 700M CAD de prêts via le LEEFF. Plus de 300M seront destinés au remboursement des tickets non utilisés tandis que les 390M restant serviront à fournir les liquidités nécessaires au fonctionnant de la compagnie jusqu'au retour "à la normale". Par ailleurs, contrairement au plan de sauvetage d'Air Canada, le gouvernement canadien n'achètera pas immédiatement d'actions.
Privée de vols depuis janvier 2021, l'avenir est encore incertain pour Air Transat mais ils peuvent heureusement compter sur le soutien de l'Etat pour garder la tête hors de l'eau. Espérons que la reprise du trafic aérien leur permettent de voler sous de meilleurs auspices.
N.B : 1 CAD = 0,83 USD = 0,68 EUR
Sources :
Yahoo Finance - Reuters - One mile at time - CH-Aviation - Forbes - Bloomberg - Passenger Terminal Today